Chez Madame de Bonneval

- Bien sûr que je suis là, tombeur impénitent ! répondit une voix familière derrière le musicien.
L'homme détailla Valentin avec un air amusé

- Vous pouvez vous vanter d'avoir déclencher une sacrée pagaille...Avouez tout, c'est cet individu qui vous a poussé à ces excentricités ?plaisanta t-il en montrant Cramer du doigt...

"J'ose espérer que par individu tu ne qualifie pas ma personne, Simon. Je suis heureux que tu aies réussi à te libérer de ton travail. Laisse moi te présenté mon élève, Francois Valentin, même si ce n'est que depuis quelques temps il a un tempérament flamboyant, ce qui est le minimum requis. Francois, je te présente Simon D'Eltègre, chef de la section criminel de la Sureté, et amateur de musique"

Je m'écarte pour leur laisser se serrer la main.

"Au fait, Dominique est venue avec toi j'espère ? Cela fait un moment que je n'ai pas pu l'embrasser ... je veux dire amicalement bien sûr"

François serra la main tendue vers lui.

"Enchanté... Monsieur Cramer n'est pour rien dans ces... Excentricités. Elles sont de mon fait. Je crains d'avoir bu un peu plus que de raison, tout à l'heure. Ainsi vous ètes du bureau de la Sureté ? Quel métier captivant ça doit être, même si les journaux abondent en histoires sordides, je pense a cette récente histoire de meurtre de jeunes actrices... Enquêtez vous souvent sur des affaires de cet acabit ? J'avoue que je peux m'empecher de frissonner en pensant a l'éventualité qu'une nouvelle victime soit découverte..."

- Malheureusement, elle n'est pas présente ce soir...Elle était légèrement souffrante et j'essaye d'éviter que tu ne tentes de me la ravir avec ton gringrin et tes airs d'artistes. Rien de bien grave en réalité, une simple migraine : quelques gouttes de laudanum et elle sera d'attaque demain.
Cela me laisse tout loisir pour faire du plat à tous les nouveaux jupons que je vois là...Une vraie basse-cour de dinde ma foi...pouffa t-il avant de répondre à François

En réalité, nous passons plus de temps dans les dossiers et les réunions politiques que sur le terrain. Les coupables du Cleonte auront demain leur juste châtiments, mais le crime court toujours...Surtout avec ces meurtres à la noyade... Un cas bien étrange, en réalité.

"Comme le cas Martel, hein ?"

Après un instant pensif Lucius reprend de sorte que seul Simon et Francois ne l'entendent

"Simon, pourrais tu faire une enquête plus approfondie sur monsieur Von Eggman, particulièrement sur ses affaires à Paris. D'après ce que m'a dit Francois, il serait impliqué dans le groupe utilisant l'oeil sombre en bannière"

Il reprend alors à voix haute :

"Mais ne le dis pas à ta femme, hein ?" ricane-t-il

- Von Eggman, hein ? Je ne sais pas dans quelle affaire tu t'es fourré, mais je ne te conseille pas de chercher des crosses au loustic...
Il a des relations avec un grand nombre de membres de l'Assemblée et connaît très bien deux ou trois directeurs de mines alsaciennes.
C'est un homme à amis "influents".
Je vais voir ce que je peux faire pour t'aider mais fait attention à toi...
Si les deux histoires sont liées, ça risque de faire un foin monumental, et la Sûreté de Paris rechigne à ce genre de publicité.

"Ne t'inquiète pas, j'ai aussi des amis particulièrement ... influent dans leur domaine. Si tu trouve quelque chose pourrais tu le faire parvenir à Marie-Reine, si je ne suis pas là ?"

Je me tourne vers Francois :

"Maintenant nous pouvons y aller"

Guidé vers la sortie, Lucis appelle le domestique pour qu'il amène Kerberos mais ne monte pas tout de suite dans le fiacre.

"Retrouve moi le morceau de tissu que tu as déchiré" dit il

Une fois que le canidé a trouvé le morceau de tissu je montre dans le fiacre

Apres avoir galamment salué et remercié Madame de Bonneval, François Valentin prit place dans le fiacre a la suite de Lucius. Le véhicule se mit en branle et bientot le son des roues heurtant le pavé devint monotone. François gardait l'enorme chien a l'oeil. Avisant le morceau d'étoffe que ce dernier avait apporté, il se redressa sur sa banquette et apostropha Lucius :

"Comptez vous retrouver notre homme grâce au flair de votre chien ? Pourtant nous avons déjà obtenu son addresse temporaire, a l'Hotel Cluny. Ou bien cachez vous un autre tour dans votre manche ? "

"J'ai pour habitude de toujours avoir un atout dans ma manche. Si ce monsieur Von Eggman réussit à fuir malgré notre assistance, Kerberos le retrouvera et le traquera. Croyez moi, mon chien est la pire plaie qu'un homme peut avoir au fesses"

Après un blanc Lucius retire ses lunettes et découvre ses yeux fermés.

"Au fait, en parlant de plaie aux fesses. Je dois vous demander une chose, monsieur Valentin. Croyez vous aux mythes et aux légendes ?"

François s'adossa et son regard se perdit par la fenetre du fiacre. La pluie recommençait. Enfin, cessait elle vraiment ?

"Si j'y crois ? Je ne sais pas vraiment ce en quoi je dois croire. Mon enfance a été baignée de contes, de légendes et de mythologies étranges. Toute mon éducation et la Raison qu'on m'a inculqué m'ont toujours poussé a considérer ces histoires comme des fables de bonnes femmes. On m'a appris que je devais croire en des Lois : lois mathématiques, de la Raison, de l'hydraulique... De ceci, de cela. Des affirmation que je suis tenu de croire car de nombreux et éminents savants les soutiennent. Et pourtant, une voix en moi a toujours résonné, comme un appel a l'évasion. Cette voix secrete m'a toujours convaincu qu'il existe au monde de nombreuses forces -que notre vaniteuse Raison et notre pédante logique repoussent- et qu'il ne serait pas prudent de les balayer trop hativement d'un revers de la main."

D'un geste absent, il effleura la blessure a peine cicatrisée a sa gorge.

"...Et il m'a été donné, recemment, de vivre des évenements que je n'aurais jamais cru possible il y a peu encore. Ainsi, pour répondre a votre question, oui, je pense qu'il est sage de laisser le bénéfice du doute quant la part de vérité dans les mythes et légendes."

Un sourire s'affiche sur le visage de l'aveugle

"Etant donné que vous allez devenir mon disciple. Je pense qu'il est temps de vous mettre au courant de certaines choses. Cependant, sachez qu'une fois que vous saurez mon secret, vous ne devrez le divulguer à personne, pas même en confession. Voulez vous toujours que je sois votre mentor ?"

"Le fait que vous ne comprenez pas certaines choses dans ce monde n'est guère étonnant. Nous vivons à une époque où le rationnel et l'irrationnel se côtoient sans jamais se mêler. D'un coté, la science fait des bons en avant prodigieux et de l'autre les mythes tels que les vampires, loup garous et autre spectres pullulent dans l'inconscient collectif. Sachez que, si ces mythes se propagent, c'est qu'ils sont vrai et qu'ils vivent au milieu de votre petit monde de rationnalité. Et ..."

Lucius remet ses lunettes et place sa paume vers le haut pour faire apparaitre une flamme

"... je suis l'un de ces mythes"

François demeura un instant ébahit... Il n'avait donc pas rêvé. Sa moue de surprise se transforma en un sourire sans joie. Un rire nerveux filtra d'entre ses lèvres.

"Ainsi je ne me suis pas trompé a votre compte. Je me doutais bien que vous n'étiez pas le premier venu, même si rien ne me permettait de le prouver... Ou peut être suis je encore en train de rêver ? Quel rêve réaliste, alors !"

François se prit la tête a deux mains, calma son leger accès de démence et se massa les tempes.

"Soit, vous ètes l'un de ces mythes... Et qu'êtes vous, Monsieur Cramer ? Enfin, si la question n'est pas trop indiscrète... Je comprend mieux mon impression de tout a l'heure... D'ailleurs, désirez vous une cigarette ? Personellement j'en aurais bien besoin."

François tira une cigarette de son étui et la plaça entre ses lèvres. Il en tendit une a Lucius en attendant sa réponse.

J'accepte la cigarette et l'allume avec la petite flamme dans ma main

"Ce que je suis n'a pas de réelle importance. Dernièrement on m'a traité aussi bien de diable que d'ange alors, je ne me pose guère de question sur mon dénominatif. Je porte le nom de Cramer alors pourquoi ne pas continuer ainsi ? Ce qui a réellement de l'importance c'est qu'un autre mythe en veut à ma vie et que cela contrarierai sévèrement mes projets d'avenir. Après enquête, il semblerait que cet autre mythe ait un lien avec monsieur Von Eggman et sa secte de crétins. Ils n'ont sans doute aucune idée du danger qu'ils font courir à cette ville"

François inspira une bouffée de sa cigarette en perdant son regard dans la flamme que tenait Lucius au creux de sa main. Quand elle eu disparut, il entama une liste des connaissances dont il disposait :

"Bien. Je récapitule : ainsi nous aurions affaire à une secte, dont le fétiche, ou du moins le signe de ralliement est un Oeil obscur, sans pupille, qui se livrerait a des expériences pour le moins surprenantes ,avec des êtres que le commun des mortels pense fantaisiste, comme séquestrer une femme vampire ou s'en prendre a un... heu. A vous."

Il tira une longue inspiration de fumée et la souffla dans l'espace devant lui en observant les volutes bleutées.

"Il y a une donnée de l'équation qui m'échappe encore : pourquoi s'en prendraient ils a ce type d'êtres ? En ce qui me concerne, la femme vampire a cessé d'être avant que j'apprenne ne serait ce que son nom. Mais étant en pleine forme et face a moi, peut être que vous disposez de davantage d'informations sur leurs intentions ?"

"Une créature vous traque ? Faites vous allusion a la malédiction qui frappe votre famille ? Pensez vous que nous aurions affaire a une guilde de sorciers, d'invocateurs, ou que sais-je ? Comme je vous l'ai dit tantôt, j'ai déja eu vent de maledictions lancées par des gens disposants de connaissances occultes approfondies, qui doivent entretenir avec le surnaturel des rapports bien particuliers. Je veux dire, peut être sont-ce de simples humains ambitieux. En soi, peut être est ce une bonne nouvelle d'être confrontés a des êtres mortels. Ou bien suivent ils les directives d'une puissance supérieure ?"

François souffla un rond de fumée et le regarda s'élever lentement dans l'habitacle. Il fut soudain dissipé par un courant d'air filtrant par les commissures de la porte.

"Je m'égare, veuillez me pardonner ces monologues. Quel est la suite du plan ?"

"Madame de Bonneval m'a effectivement revelé que Eggmann logeait temporairement a l'hotel de Cluny. Le propriétaire serait son ami et l'hébergerait a chacune de ses visite a Paris. Une importante collection d'objets anciens entreposée la bas y serait pour beaucoup. Mais est ce bien prudent de nous y rendre de la sorte sans motif a une heure aussi avancée ? L'alibi du mea culpa prendrait une dimension pour le moins... douteuse.
Puis-je vous suggerer de concéder à un léger détour par mon appartement, je pourrais y chercher en vitesse une bouteille d'un excellent vin qui conviendrait parfaitement comme présent d'excuse, ainsi qu'un objet dont la présence m'assurerait une certaine capacité de réaction au cas où les choses tourneraient mal..."

"Donc c'est entendu."

François se retourna et ouvrit la trappe lui permettant de s'addresser au cocher :

"Cocher ! Prenez la direction du boulevard Montmartre, je vous prie. Je vous indiquerais l'addresse quand nous approcherons."

Il se rassit et dévisagea son vis a vis.

"Par le plus grand des hasards, avez vous quelques connaissances en joaillerie, Monsieur Cramer ?"