Propriété d'Alfred Déseaubry près de Vincennes

Bien qu'assez âgé, le propriétaire n'avait pas ménagé sa peine durant sa convalescence. Le jardin, entretenu avec soin, avait donné naissance à des centaines de teintes plus chatoyantes les unes que les autres : les jaunes des coronilles et millepertuis rivalisaient avec les magentas des camélias et azalées, mis en valeur par les pâles aubriètes bleues et les lys violet sombre.

Une mésange légère virevoltait de branche en branche dans le verger, non loin de là. Elle ne déttachait pas son regard de l'allée en gravillons, observant la scène qui s'y déroulait. Elle finit par se décider à approcher ; peut être que sa curiosité serait récompensée, comme cela arrivait parfois, par un morceau de galette croustillante.

Une puissante détonation raisonna soudain, vibrant dans chaque arbre et chaque plante sur des centaines de mètres à la ronde, faisant fuir toutes les créatures peuplant le parc.

- Même après plusieurs jours d'entraînement, je ne m'habitue pas au raffût que cela fait. C'est drôlement impressionnant! J'en tremble à chaque fois!

Cassandre respirait avec curiosité l'odeur de poudre qui se dégageait du canon. Elle abaissa son arme précautionneusement d'un geste encore maladroit.

- Par contre, je commence à m'approcher de la cible! Je serai bientôt un aussi bon tireur que vous Gabriel !

Le visage impassible, Gabriel observe les résultats de Cassandre. Une moue quelque peut pensives s'affiche. De toutes évidences, la jeune bibliothécaire est encore loin de pouvoir utiliser une arme en situation critique mais au moins elle commence à s'habituer à la détonation de l'arme. L'armurier vit le sourire gênée de Cassandre ce qui lui rappela ses jeunes années, son père à ses cotés lui apprenant le tir. La différence était que son père était tout de même plus exigeant et strict. Coup de trique, entrainement supplémentaires et rationnement de nourriture étaient efficace pour vous forcer à apprendre mais la bibliothécaire risque de ne guère apprécier de telles méthodes. Un nouveau tir sort Gabriel de ses pensées. C'était un tir dans la cible mais on était loin d'avoir un tireur d'élite :

"Mademoiselle Cassandre, vous vous précipitez beaucoup trop pour tirer et vous semblez avoir encore peur du coup de feu. N'oubliez pas de bien respirer pour compenser l'adrénaline de prendre une grande inspiration avant d'appuyer sur la gachette"

Le jeune homme mit sa main sur l'épaule de la bibliothécaire

"Mais ne vous inquiétez pas, ça commence à venir"

- C'est vrai! ça commence même à me plaire, c'est très, comment expliquer... c'est excitant!
Cassandre trépignait comme une adolescente.

Tournant tout à coup la tête vers la demeure, elle sembla réfléchir un instant.
- Est-ce que cela vous dit de continuer à m'enseigner des éléments de théorie autour d'une infusion? J'entends mon oncle qui rentre de ses soins, il a pour habitude de faire une petite sieste en suivant. En plus, il ne voit pas d'un bon oeil que je me consacre aux armes à feu.
Enfin... pour tout vous dire... il n'aimerait pas, si il savait...
Allons le saluer si vous le voulez bien, après tout nous sommes ses hôtes. Je ne lui ai pas non plus raconté nos récentes mésaventures.

Entrant dans le séjour, Cassandre s'éclaircit la voix :
- Oncle Alfred, me voici! Je dois vous présenter un ami de... de mon cercle de musique... Voici Monsieur Gabriel euh Debrail.
Cassandre tentait de masquer les interrogations qui pouvaient percer dans sa voix. Puis répétant plus fort et avec plus d'assurance, exagérant ainsi la légère surdité de son ailleul.
- C'EST UN AMI : GABRIEL. VOULEZ-VOUS PRENDRE UNE INFUSION AVEC NOUS?

Cercle de musique ? Gabriel espérait que l'oncle ne lui demande pas quel instrument il jouait étant donné que les seules notes à peu près juste qu'il pouvait produire c'était en sifflant. Mais il ne se démontait pas, il serra la main de l'oncle Alfred.

"Monsieur Desaubry c'est un plaisir de vous connaitre"

Il tachait de rester silencieux le plus possible, pour éviter de dire une gaffe.

Après quelques échanges sur les talents de Gabriel au piano -instrument fort heureusement absent des salons de la demeure- Cassandre souligna la lassitude de son oncle et sonna l'aide médicale. Un tendre baiser de sa nièce sur la joue du vieil homme et celui-ci fût accompagné à sa chambre pour une sieste.
- Ne vous y trompez pas Gabriel, mon cher oncle n'est pas duppe. Simplement, il tolère quelques paroles inexactes de ma part si cela évite de fastidieuses et gênantes explications entre nous. Nous fonctionnons ainsi depuis toujours...

Quelques conseils sur le nettoyage d'un canon, et une tasse de thé plus tard, Cassandre se leva.
- J'ai rendez-vous chez le comte Kridine en fin d'après-midi. Je souhaite prendre des nouvelles de nos amies et étudier de plus près quelques feuillets manuscrits. Souhaitez-vous m'accompagner, Gabriel?

"Mon carnet de commande est vide ces derniers temps, j'ai donc tout mon temps"

[Faites moi signe lorsque vous voulez que je reprenne l'affaire Smile

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