La fin du Séminaire

Cela faisait maintenant deux années que Blaise travaillait d'arrache pied pour obtenir son diplôme qui lui permettrait ainsi de devenir prêtre, comme il le souhaitait depuis quelques temps maintenant. Les épreuves pour obtenir le diplôme avaient eu lieu, il y a quelques jours et c'était maintenant l'heure des résultats. Il pénétra dans le séminaire, lieu où il avait passé le plus clair de son temps depuis deux ans.

Il était habillé d'une chape que les prêtres lui avait remis à son entrée au séminaire, Il s'agissait d'une chape blanche avec une sorte de soleil jaune dans le dos. Il portait également son chapelet à son cou et dans ses mains, il avait sa bible. Il se dirigea vers une représentation de Jesus et fit une prière. Blaise était un croyant, allant à la messe tous les dimanches, priant tous les jours Dieu.

Après son recueillement, il se tourna vers l'assemblée et vit que tous ses amis étaient là. Cela faisait deux ans qu'ils se voyaient tous les jours pour apprendre les dogmes, les évangiles, les écrits, les prières et tout ce qui avait attrait à la religion catholique.

Ils avaient eu rendez-vous au séminaire à quinze heures, mais il fallait attendre une petite heure pour avoir les résultats et le diplôme remis en main propre. Il était quelque peu tendu, mais il savait que Dieu était avec lui à cet instant. Mais il fallait tuer le temps. Il se dirigea donc vers un petit groupe où se trouvaient trois de ses amis : Jean, Jules et Paul. Il s'adressa à eux avec toute la courtoisie possible tout en se courbant pour les saluer.

Bonjour mes Frères. Comment allez-vous en ce jour de résultats ? J'espère que nous avons tous réussi, car nous avons tant donné pour cela.

- Il ne tient qu'à vous de nous le dire, Frère Blaise fit une voix aussi sévère que paternelle derrière le jeune prêtre. Répandre la parole de Dieu dépasse le simple fait de l'examen.

Le père Corentin accompagna ses paroles d'un franc sourire, en surgissant derrière le petit groupe.
Professeur dispendieux et savant, le prêtre était l'incarnation de la rigueur monastique, même si sa gentillesse naturelle ne pouvait rester cachée trop longtemps derrière sa sévérité apparente.

Blaise discutait avec ses amis lorsqu'il entendit une voix derrière lui. Il reconnu facilement cette voix sévère et paternelle. Il s'agissait du père Corentin qui avait suivi le parcours de chacun d'eux du début jusqu'à la fin. Ses cours étaient des plus passionnants, mais il n'y avait pas de place pour ceux qui n'écoutaient pas le cours.

Par contre, il était toujours là pour aider les étudiants lorsqu'ils avaient des difficultés ou des questions à poser. Blaise pensait avoir réussi son examen et savait qu'il le devait en grande partie au Père Corentin.

Blaise se retourna un peu surpris et salua le Père Corentin.

Effectivement mon Père. Cet examen n'est que le point de départ de notre vie, mais il est nécessaire pour pouvoir exercer dans les meilleures conditions possibles. Et si nous réussissons se sera grâce à vous.

Blaise était quelque peu excité et stressé par l'approche des résultats et espérait de tous coeur avoir réussi pour pouvoir exercer. Il lui faudrait ensuite trouver une église ou tout autre lieu où il pourrait exercer sa foi.

Le père Corentin éclata d'un rire franc et secoua la tête

- Est ce moi qui vous ai fait une tête bien faite, frère Blaise ? Bien sûr que non. Je ne suis qu'un modeste pasteur, le simple écho de la voix du Seigneur...C'est lui et lui seul qui a su insufflé foi et patience à mes braves élèves...

La salle se fit brusquement silencieuse, alors que l'Archevêque pénétra dans la salle, entourés par deux diacres et se posta sur la chaire...L'homme chaussa ses petites lunettes rondes, s'éclaircit la gorge et déroula un papier avec solennité

- Mes chers frères, c'est avec une émotion toujours renouvelée que chaque années, je sois l'annonciateur du renouveau de la parole du Seigneur. Car vous en êtes chacun les porteurs et votre tâche est à nulle autre pareille.
Ce n'est plus à de jeunes pousses que j'ai à faire aujourd'hui, ce sont autant d'arbres puissants, porteurs des fruits de l'espoir, enracinés par la plus pérenne des racines, la foi en notre Seigneur Jesus-Christ. Chacun d'entre vous sera nommé à une charge et sera le garant et l'enseignant de l'Evangile, mais également l'inspirateur et le confident de nombreux fidèles.


L'homme d'église égraina alors les noms de ceux qui furent autorisés à passer l'ordination et prendre la charge de prêtre...Les noms de Jean, Jules et Paul furent cités, mais celui de Blaise semblait tarder...enfin, la libération survint

- Frère Blaise...Veuillez avancer également pour recevoir l'ordination de Monseigneur Carmin, Archevêque de Paris.

Blaise écoutait le père Corentin lui expliquer qu'il n'était que la voix du Seigneur et ceci était vrai. Il allait lui répondre, lorsque l'Archevêque arriva pour faire l'annonce des résultats. Il fit son discours puis commença à énoncer chacun des jeunes présents dans la salle.

Mais le nom de Blaise tardait à venir et le stress montait chez le jeune homme. Ses mains devinrent moites et il avait du mal à tenir en place. Il regardait chacun de ses amis se rendre devant l'Archevêque.

Puis finalement, l'Archevêque finit par appeler Blaise. Il soupira en entendant son nom, car la pression retombait. Mais il fallait maintenant affronter l'Archevêque et l'assemblée. Il ne devait s'agir que d'une formalité, mais il s'agissait de l'ordination et c'était un moment important.

Il s'approcha de l'Archevêque et des diacres. Il s'agenouilla et dit.

Monseigneur ! fit-il tout simplement.

- Frère Blaise, à genoux pour recevoir la grâce de Dieu...

Le jeune homme sentit ses membres trembler à mesure que l'évêque prononçait les mots fatidiques qui scellerait son destin : Prêtre...Il était désormais prêtre...Où serait-il envoyé ? Son regard parcourut l'autel sur lequel siégeait deux cierges qui tremblèrent à sa vue...

" Envoie main­tenant, Seigneur, sur ce prêtre, ton élu, la puissance qui vient de toi, l’Esprit souverain.

Tu l’as donné à Jésus Christ, ton Fils bien-aimé, et lui-même l’a transmis à ses apôtres qui ont fondé en tout lieu l’Église, comme ton sanctuaire, pour te rendre gloire et célébrer sans cesse ton nom ».

L'évêque procéda ensuite à l'onction de Blaise avant de lui remettre l'anneau et le bâton pastoral...
Une lettre cachetée portait sa future paroisse

Citation :

Saint Pierre de Montmartre

Jean partait pour la Sologne, ce qui le rendait joyeux, car il se rapprochait d'une partie de sa famille, qu'il n'avait pas vu depuis ses longues années au séminaire, Jules, lui, restait dans la région puisqu'il était affecté dans les Yvelines et Pierre à Chartres.
Ils félicitèrent de vive voix Blaise, mais l'air inquiet du Père Corentin lui rendit un autre son de cloche...

- Montmartre...Sainte Mère de Dieu, Blaise...Ce ne sera pas une partie de plaisir...Je ne comprends pas comment on peut nommer de nouveaux séminaristes dans cette région..Vous allez rencontrez les âmes de pire pécheurs de notre bon pays, mon ami...C'est plus qu'une épreuve, c'est presque une croisade que l'on vous envoie faire là-bas...
N'hésitez pas à revenir me voir si vous en ressentez le besoin. Que Dieu vous guide...

Corentin serra chaleureusement la main de Blaise, comme un père serrerait celle d'un fils qu'il voit partir pour la première fois et partit tristement, un air pensif sur le visage...
Il était temps de partir vers la Butte et sa sinistre réputation..

Blaise et ses amis se félicitaient mutuellement concernant leurs affectations. mais le Père Corentin arriva, l'air inquiet quant à la nomination de Blaise à Montmartre. Visiblement le quartier n'était pas très bien fréquenté et le Père Corentin ne comprenait que des nouveaux y soient affectés.

Merci Père Corentin. Promis, je viendrai vous voir en cas de besoin. Répondit Blaise au Père Corentin tout en lui serrant la main, avant qu'il ne parte.

Le Père Corentin avait toujours agi comme un Père avec ses jeunes étudiants, pas toujours sérieux et pas toujours digne de Dieu. Mais il savait canaliser la fougue de la jeunesse et leur donner un réel goût pour leurs études.

Blaise se tourna vers ses amis et leur dit Adieu, pour la plupart, il ne les reverrai sans doute plus et leur souhaita bonne chance, puis il sortit du Séminaire et commença à prendre la direction de Montmartre. Pendant le chemin, il repensa à ce que lui avait dit son mentor avant de partir : "Les âmes des pires pêcheurs."

Blaise avait rarement été aussi au nord de Paris et il essayait de se représenter les mots de Père Corentin.