Le vent souffle toujours autant sur les routes qui mènent à la capitale...
Autrefois, j'aurais pu vous sortir quelques banalités sur les hivers de plus en plus mordants ou la pluie qui n'en finit jamais, mais la vie des chemins à rendu ma langue plus sèche que le bois mort, et les éléments ne m'atteignent presque plus, maintenant...
On m'appelle Ezechiel, et je suis ce que l'on peut nommer un vagabond...Ne me demandez pas pourquoi je vais vers Paris, j'y vais parce que je sens qu'on a besoin de moi...Ca vous fait sourire, n'est ce pas ? Tant mieux, c'est que vous avez gardé votre insouciance et cela vaut mieux pour vous.
Autrefois, je n'étais pas si différent de vous, vous savez... Je portais aussi la redingote, j'avais un nom...Un vrai...
Remarquez, ça ne me servirait pas à grand chose d'être beau, vu que je n'ai plus d'yeux pour voir.
Ha ha...Ca vous épates de voir un vieil aveugle se diriger sans se tromper dans la bonne direction...Je vous répondrais moi, que ce sont ces foutus yeux qui m'ont fait vivre un cauchemar et que je ne suis pas mécontent de m'en être débarassés...
Vous voyez ? Je peux même vous dire qu'on y est dans une heure, si on continue à ce rythme...De jeunes gens auront besoin de mes conseils là bas, ho oui...bien besoin..car des choses se préparent..
Ho oui, vous devez me prendre pour un vieux fou, n'est ce pas ?
Pourtant, si vous saviez comme votre épouse se doute que le colloque de médecins auquel vous prétendez assister demain n'est qu'un pretexte, alors que mademoiselle votre maîtresse vous attend, vous ferriez un peu plus attention...
Comment je sais cela ? Je l'ignore...Je suis un vieux fou sans doute...Ha, quel dommage que je ne puisse pas voir votre tête... Je vous quitte, je prends à droite, bonne chasse !
N'oubliez pas, le destin est semblable aux branches d'un arbre, plus on s'approche de la fin, plus tout semble s'amenuiser. Pourtant, c'est aux extrêmités que poussent les bourgeons...