Scénario I : Deuxième journée...

L'école Centrale de Polytechnique accueillait depuis peu un grand nombre de conférenciers venus de l'Europe entière, venu débattre des idées nouvelles avec une foule de plus en plus importante.
Bien que le Prince Président vit d'un mauvaise oeil l'influence grandissante de l'"X" sur les cadets de l'armée, qui dispensait parfois des commentaires négatif à son égard, l'école pouvait se targuer de compter parmi les plus prestigieuse de l'époque....

Dans le hall central, le tout Paris se pressait à l'entrée, comme devant les portes d'un thêatre dont le rôle principal aurait été tenu par une starlette à la mode.
On y venait parfois pour voir, surtout pour se faire voir, mais une sorte de ferveur globale liait les générations avec un enthousiasme généreux.

Les grandes affiches placardé à l'entrée representaient un gigantesque point d'interrogation, surmonté d'une question écrite en caractère gras.

Citation :

QUI SOMMES NOUS ?
L'anonymat et l'identité
Une conférence de Franklin Josse
Directeur du centre de recherche sur l'aliénisme de Paris

Franklin Josse était un homme de taille moyenne, au visage toujours jovial.
Il semblait particulièrement à l'aise dans la société parisienne et ses travaux d'aliénistes étaient réputés dans la France entière.
Ses écrits sur l'identité avaient leur place aussi bien dans les rayons de bibliothèque de la Sorbonne reservé à la Philosophie, qu'en Science Médicale.
Toutefois, ses positions sulfureuses sur la possibilité de régir un état par la science lui avait attiré les foudres des milieux littéraires et des démocrates, qui jugeaient ses idées saugrenues, sinon dangereuses...

La porte de l'amphithêtre s'ouvrirent, laissant le flot parisien s'engouffrer dans la pièce dans un sympathique remue ménage...
Dehors, quelques éclairs percèrent les nuages et firent entendre leur voix sur les faubourgs....

Quelques gouttes de pluies tombèrent sur les lunettes du sinistre mendiants...
Méthodiquement, il se servit de ses hardes pour les essuyer, fixant de ses yeux vide l'horizon...
Devant lui, un enchevêtrement de rue noires, sales et sinueuses semblaient s'enfoncer dans les ténèbres...
Un chat, appeuré par le récent orage, renversa une bassine pleine d'ordure dans un vacarme épouvantable...

- Paris, hein ? Je sais que tu ne m'as pas envoyé là pour rien....

Suite à la déclaration du conflit franco-prussien la journée avait été chargée pour le militaire pourtant, contrairement à ses habitudes, c'est vers le jardin du Luxembourg qu'il se dirigeait à grandes enjambés.

" C'fichu Henriot me l'revaudra... ", grommela t-il.

Il avait acheté un nouveau costume pour l'occasion, lui qui n'avait pas coutume d'assister aux mondanités de la haute société parisienne. Dans sa précipitation il avait acheté un pantalon trop court dans lequel il se sentait très inconfortable... toute cette agitation ne lui disait rien qui vaille mais le pistolet à sa ceinture et la bible dans la poche de son veston avaient une chaleur rassurante... arrivé sur les lieux, il alluma une pipe, un de ses rares plaisirs... puis se plaça sous l'ombre d'un arbre.

Lucien souriait d'un air triste en fixant l'homme en costume militaire qui se trouvait devant eux... Le digne personnage semblait génée par une tenue de cérémonie légèrement trop courte pour lui...

- Ma foi, ma chère amie, ma vie d'universitaire peut sembler des plus exitante, reste que parfois, je la sens aussi terne que du verre poli...
J'envie parfois celui qui ne se pose jamais de question sur le sens de l'existence...
Les étudiants sont exaltés, parfois même à la limite de l'insolence...Il m'arrive d'envier leur fougue et leur passion, qui me rappelle que le coeur humain est capable de brûler de mille feux.
Mais notre époque est au sérieux et à la raison, non guère aux digressions de l'esprit.
Si j'ai bon souvenir, vous étiez féru de peinture à une époque...La passion vous mord elle toujours ou bien avait vous ranger fusain et aquarelle pour le serieux des livres de bibliothèque ?

Le brouhaha joyeux qui accompagnait l’entrée dans la pièce se tu, pour laisser place au Général Lenoir, recteur de l’Ecole Centrale de Polytechnique. Derrière lui, Franklin Josse, légèrement tendu, fixait l’assemblée d’un air satisfait, un sourire crispé sur les lèvres…
Lenoir s’installa au pupitre de la chaire et annonça solennellement :

- Mesdames et Messieurs, c’est avec une immense fierté que l’école centrale accueille en son sein l’auteur du « Gouvernement par la science », l’éminent chercheur et philosophe Franklin Josse. Nous espérons tous que les enseignements du docteur Josse ouvriront de nouvelles portes à la pensée moderne et fasse naître en chacun de nous de saines interrogations.
Laissez moi donc vous souhaitez la bienvenue et une agréable soirée…
Maintenant place au Docteur Franklin Josse, à que je vous demanderais de bien vouloir applaudir….

La salle accueillit le docteur avec chaleur et l’homme, qui semblait avoir repris confiance, utilisa le tableau noir de l’amphithéâtre pour y apposer un mot : IDENTITE…

- L’identité…. Qui pourrait définir le sens de ce mot avec exactitude ? Nous savons que contrairement aux animaux, nous existons en tant qu’être, que nos passions et nos envies sont liées à notre esprit et de la même manière, nous savons aussi comment les repousser pour mieux vivre en société…

Paradoxalement, l’identité est aussi le principal facteur de dérèglement qui engendre la destruction d’un tissu social cohérent. Survie, domination régissent le monde animal, passion, envies, besoin, idées, pensée, concept, régissent le monde humain.
Autant de complexité, de vicissitude à l’encontre de l’ordre naturel, dont nous nous sommes, bon gré mal gré, habitués, mais continue en permanence à nous laisser dans l’ignorance totale de notre futur.
Alors qu’est ce qui provoque chez nous ce besoin de nous identifier et qu’est ce qui nous fait craindre l’anonymat ?

Les premières marques de l’identification connu sont les signes corporels : dès les premiers temps, nous nous identifions par des termes de type « le grand », « le gros », « la verrue », qui sont ensuite devenu bien souvent des patronymes… Ce n’est sans doute pas le Général qui me contredira là dessus, n’est pas ?

Une partie de la salle rit à la plaisanterie de Josse

- D’un autre coté, lorsque l’homme cherche l’ordre et la cohésion, il tâche de « cacher » tant bien que mal ses différences corporelles par divers subterfuge : uniforme, masque ou rites immuables et collectifs.
Ainsi se sont organisée les premières sociétés, avant l'apparition des concepts religieux et philosophiques, puis à par le suite, les interrogations sur l'âme et l'esprit, qui ont intrasequement entrainés l'arrivée de concept basés sur la volonté de se démarquer et de ne plus suivre le cours naturel de la vie...
Certaine société pourtant, comme dans certaines contrée asiatiques, font du groupe et non de l'individu l'unité de base de l'ensemble... Mues par un esprit commun, leurs avancée techniques et culturelles ont fait des bonds particulièrement impressionnant, par le simple fait de nier son individualité pour le bien de tous, à l'image des abeilles... Pendant ce même moment, en l'espace de 20 ans, notre pays, amoureux de son individualisme n'a cessé d'enchainer les révolutions et les conflits d'interet qui ont desservi son évolution au profit d'un concours d'égo surdimensionné...

L'anonymat, présenté comme la pire des choses parmi nos sociétés, j'en veux pour preuve le baptême, cérémonie de don du "nom", sans lequel, selon les croyances communes , l'"âme" est condamnée aux limbes éternelles...

Josse avait insisté sur ce dernier points avec un certain mépris presque palpable...Son anti cléricalisme était connu de tous, en particulier des instances religieuses, qui lui avaient reproché plusieurs fois de véhiculer des idées dangereuses...

La canne du mendiant frappait avec vigueur sur le sol pavé de la rue de Rivoli... Le vent qui soufflait depuis peu avait augmenté d'intensité et le soir parisien s'étaient couvert d'un épais manteau de nuage menaçant...

Un éclair déchira le ciel et la pluie commença à s'abattre sur la capitale...
La lumière figace illumina le visage de cire du vagabond, fixé dans un rictus qui oscillait entre la grimace et le sourire fou...Ruisselant d'eau, l'homme ne semblait pas plus affecté que cela par l'eau qui engorgeait chaque centimètre d'étoffe qui le recouvrait

- Mmm...Oui...Cela risque d'être interessant...

A travers les vastes fenêtres de l'amphithéâtre, les éclairs zébraient le soir parisien dans un vacarme infernal...
Quelques âmes superstitieuses se signèrent en silence, mais rougirent bien vite de leur frayeur passagère.

Franklin Josse venait de démontrer sa théorie selon laquelle une société excessivement basé sur l'individu courrait à sa perte.
La suite portait sur les experiences qu'il avait effectuer à l'hopital sur des patients souffrant d'amésie...

- En premier lieu, les amnésiques souffrent d'avoir perdu une part de leur identité. La plupart du temps, l'amnésique ne perd pas les fonctions essentielles de son cerveau: il sait toujours lire, écrire et communiquer dans sa langue natale.
La perte se situe plutôt au niveau de noms et des faits superficiels.
L'angoisse et le trouble naissent alors de la perte de ce qui les rend uniques. Ils sont alors à la recherche d'une identité, n'importe laquelle, et s'accrochent à la moindre piste, même si celle ci est complétement erronée. Ils peuvent même pousser jusqu'à s'approprier l'histoire de la personne qu'ils croient être, dans les cas les plus déséspérés... La plupart du temps, l'angoisse entraine une serie irreversibles de troubles du comportement, voire d'aliénation complète de l'esprit.

Le Docteur Nivel et moi même nous sommes livrés à une série d'experience, en isolant les malheureux et en les numérotant. Nous mêmes, nous nous étions prété au jeu et sommes devenu le matricule E 789 et E 790, afin de ne pas déparaillé avec les sujets. Très vite, la plupart d'entre eux ont cessé d'avoir des crises d'angoisse, et on commencé à retrouver un équilibre sain.
Nous leur avons tous attribué une fonction précise et ils organisèrent spontanément une micro société, pratiquement autonome. Après une courte période d'adaptation, ils ont pu revenir dans notre société sans aucun problème. Bien evidement,ils a fallu ensemble que nous leur reconstituions une identité, mais cela nous a ammené à la conclusion suivante : un groupe anonyme ne souffre ni de complexe, ni d'angoisse et se stabilise automatiquement, sans que le moindre conflit n'éclate.

J'oserais poser la question : une identité trop forte est elle la cause de tout les maux ?

"une identité trop forte est elle la cause de tout les maux ?"

Cette question résonna dans l'esprit de Gilda. Elle observait attentivement le professeur Josse et avait tout aussi bien écouté sa démonstration. Lucien avait raison, la conférence était très intéressante. Pourtant, un détail gênait la jeune femme. Elle avait beau chercher dans sa mémoire la dernière fois où elle était venue dans cet amphithéatre, elle en revenait toujours à la conclusion que c'était bien la première fois. Pourtant, les lieux lui paressaient de plus en plus familiers.

Gilda se mit soudain à chercher discrètement dans son porte-dessins l'un de ses croquis. Elle en sortit finalement une petite esquisse représentant un amphithéatre bondé et en son centre, un homme de l'allure de Josse, avec le mot "IDENTITE" inscrit à côté de lui. Le dessin datait de quatre mois.

La jeune artiste se figea alors. Etait-ce bien ce qu'elle croyait ?

- Diable ! chuchotta Lucien Vous avez fait tout cela aussi vite ! J'étais tellement absorbé par le discours que je ne vous ai même pas vu sortir vos crayons...
C'est diablement ressemblant...Vous avez même croqué certains visage...

Une moue deçue apparut sur le visage du professeur d'université...

- Ha, suis je à ce point quelconque que je ne puis y figurer ? Regarder, c'est pourtant notre place ici...Je n'y suis même pas. Vous me brisez le coeur sourit il tristement

Derrière eux, la tribune s'était en partie indignée...
Un dame richement vêtue s'adressa à Claude Ravieil d'un ton outragé

- Tout de même. Vulgariser à ce point les Ecritures! C'est indécent, n'est ce pas Colonel ?

- Ne vous en faîtes pas...Effectivement vous semblez pâle...Les diners modains qu'il y a ensuite m'assoment de toute façon, je vais vous raccompagner...Mais il serait plus prudent de prendre un fiacre...Ils tombent des hallebardes...

La communauté scientifique du premier rang semblait partagée...Josse poussait le bouchon un peu loin ! Fallait il que les hommes fussent réduits à des numéros, chacun ayant une fonction précise comme des machines ?

"Balivernes!" criaient les uns, "Possible" disaient les autres dans des hochements de tête approbateurs...

Dans le coin de la délégation du café de la Gentillhommière, Garigue tapait du poing et tentait vainement de faire entendre son discour indigné...

Imperturbable, Josse continuait à sourire étrangement...

Le colonel était peiné... la conférence avait pris la tournure qu'il s'était imaginée : l'homme manipulait la foule à l'aide de termes "savants" et avait fabriqué ses preuves de toutes pièces... il observa les "cobayes" puis soupira...

"Ils auraient au moins pu prendre des nègres pour leur prouver leurs énormités..."


Il fut interrompue par une dame qui semblait le connaître... Claude ne se rappelait pas de son nom...

"Vous verrez Madame, à l'heure du Jugement Dernier comment ces langues de vipères regretterons leurs paroles mensongères."

Sa joue se crispa dans un semblant de sourire que lui renvoyit son interlocutrice... puis il se retourna pour observer la salle... il fut content de voir qu'il n'était pas le seul à être désaprobateur..

Les esquisses glissèrent aux pieds du mendiants, qui se baissa péniblement pour en ramasser une...
Elle representait un jeune homme, au visage proche du professeur d'université qui tentait de ranimer la jeune femme...

Les yeux dénués de pupilles de l'aveugle fixèrent le papier, qui fut bientôt entièrement détrempé par la pluie...
A chaque goutte, le visage dessiné se teintait de tâches sombres, comme autant de marque de vieillesse , jusqu'à ce que son nez, sa bouche et ses yeux disparaissent entièrement...Bientôt le papier se déchira sous la pression de l'eau et ses restes misérables furent emportés par le vent...
Dans les doigts du vagabon restait un morceau intact, grand comme un emballage de bonbon qui fila à son tour rejoindre le reste du dessin...

Il secoua la tête tristement

- Le destin peut être injuste avec les jeunes personnes...

- Un peu de calme je vous prie tenta le Général Lenoir pour ramener un semblant de sérénité dans l'assemblée... Je suis persuadé que certaines personne ici présentes veulent poser des questions ou faire part de leur remarques au DOcteur Josse.

Celui ci hocha benoitement la tête en signe d'approbation

En pleine nature, en direction de Paris

La lumière...La rassurante lumière des villes...Il s'y dirigeait comme une mouche, hypnotisé par la moindre source lumineuse...
La pluie s'était accentué, il était couvert de boue et d'éclat de verre, il avait dérapé plusieurs fois dans le chemin fangeux...
Des visions d'horreur le secouait par intermitence...

On charriait des corps masqué sur des brancards...ceux qui refusaient de s'alimenter, ceux qui avait succombés aux coups, ceux dont l'esprit avait refusé d'aller plus en avant...Où ? Où allaient ils ?

Paris, un fiacre filant vers une destination inconnue

Lucien tapotait légèrement le visage de la jeune femme en espérant qu'elle se réveille...
Son visage était inquiet et les propos tenus par ce vieux fou l'avaient encore plus inquiété...

- Gilda...Gilda..Vous m'entendez ? Voulez vous voir un médecin ?