[Scenario V] Appartements de Christine de Ventadour

Christine se leva, un peu fiévreuse. Elle n'avait cessé de rêver des évènements de la nuit... Il lui semblait avoir révé d'une femme, une asiatique - sans doute une moins que rien à qui la mode pour l'exotisme permettait de vivre, très belle au demeurant - ne cessait de se liquéfier et de devenir humaine dans un mouvement cyclique infini...

Le rêve était dérangeant, un peu trop réel dans sa mémoire, comme un souvenir. Pourtant, elle en était persuadée, elle n'avait rien vu de tout cela la veille. Elle avait juste vu un jeune homme - le fils de l'armateur - aux prises avec une jeune femme - quels étaient les traits de son visage, au fait ? - et rien de plus...

Oui, ce n'était qu'un mauvais rêve, sans aucun doute.

Il y avait tant à faire aujourd'hui ! Déjà, évacuer l'homme dormant à ses côtés... Il dormait encore quand elle était revenue, elle n'avait eu qu'à se glisser dans ses draps, faire mine de dormir et pendant la nuit, alors qu'il émergeait de la drogue, elle lui avait rendu le service qu'il était venu chercher et il s'était rendormi bientôt du sommeil des justes. Elle le regarda quelques instants... Il n'était pas le plus laid de ses amants, bien au contraire. Malgré son métier, il avait même une certaine fraîcheur qui rendait sa compagnie agréable.

Une fraîcheur qui la quittait, se dit-elle quand elle eut rejoint la glace alors qu'il était parti, susurrant des mots d'amour à son oreille. Elle n'avait pas encore de ride, mais sa bouche, quand elle souriait, prenait désormais un pli un peu amer... Elle s'entraîna quelques instants... Là, c'était mieux ! Mais on n'était vraiment plus dans la candeur des jeunes filles...

Elle soupira et se regarda dans les yeux à travers la glace. Au moins, son regard, lui, avait gagné en profondeur. Plus les années passaient, et plus elle savait mettre à profit ses "dons"... Ses dons de sorcière. Combien d'autres sorciers - et combien de sortes de sociers - existaient dans le monde ? Une infinité sans doute... Elle s'était rarement posée la question, celle-ci ne la concernant pas directement. Mais cela allait peut-être changer...

L'horloge de son salon indiqua moins le quart. Elle se rappela qu'elle avait rendez-vous ce matin. Une toilette rapide, un ensemble de nuit non froissé, une coiffure rafraîchie et la voilà prête. Elle se regarda dans le miroir. Ses formes, elles, étaient toujours parfaites. Elle fit la moue. Ce n'était pas une tenue acceptable pour accueillir un si jeune homme... Elle tendit la main et posa sur ses dentelles un peignoir de satin. Voilà, c'était quand même plus convenable...

Elle se demanda s'il arriverait à l'avance, à l'heure, ou en retard... En attendant, elle savait qu'elle pouvait compter sur la perfection de Sylvie pour que le café et les viennoiseries soient prêtes quand il arriverait.

Parvenu chez lui après une marche interminable ponctuée de tentatives de racket sur sa personne (dont il put se tirer sans mal en agitant le canon de son arme), François était trempé, harassé et ruisselant.

Il se laissa choir dans un fauteuil et se servit un verre d'absinthe plus chargé que de coutume. Son regard retomba enfin sur le chien qui l'avait suivit jusque là. Son regard semblait désapprobateur.

"Quoi ? Tu ne vas pas te mettre a me faire la leçon toi aussi ? Tu veux un verre ? Non, bien sur que tu ne veux pas de verre."

Son verre de fée verte a la main, le dandy se leva et saisit sur la table une assiette contenant les restes de son dernier repas. Il la déposa au sol devant l'animal.

"J'ignore ce que ton maitre te donne habituellement. Peut être que je préfère ne pas savoir, en fait. Mais c'est tout ce dont je dispose actuellement. Mes sœurs me feront un scandale si je réveille les domestique a cette heure ci... "

Il vida son verre promptement et s'assoupit tout habillé sur son fauteuil.

Au matin, il se lava a grande eau et passa des vêtements propres. Toujours flanqué du molosse, il quitta son appartement après avoir brièvement expliqué a Agathe et Roxane qu'il devait partir pour une durée indéterminée, pour affaire (Ce qui ne manqua pas de leur faire lever un sourcil interrogateur).

Sur le coup des dix heures du matin, il arriva chez Mlle de Ventadour, les yeux cernés et la bouche pâteuse, s'appuyant sur une canne pour soulager ses jambes flageolantes...

8h00...

8h10... Tiens, il est en retard...

8h20... Il est TRES en retard...

8h40... Bon, et bien tant pis. Je m'habille, je sors remettre une lettre au confessionnal de Notre Dame, expliquant ma soirée de la veille et mon départ précipité, afin qu'ils ne s'inquiètent pas pour mon absence la semaine d'après...

9h10... IL n'est toujours pas arrivé ??? J'écris lettre sur lettre pour annuler mes rendez-vous à coup de "Hélas, très cher !"

9h40... Il ne viendra plus. J'envoie ma domestique à la gare prendre les billets de train : deux, mon homme de main m'accompagnera. Je commence à préparer mes bagages.

10h00 : ça sonne et Delphine n'est pas là - or Julian a horreur de s'occuper de l'accueil des invités. Autant éviter de le rendre bougon... Une fois n'est pas coutume, j'ouvre moi-même la porte de mon appartement, en me demandant de qui il peut s'agir...

- M. Valentin ? Je ne vous attendais plus, dis-je mi-souriante, mi-grondeuse.

Je te regarde de haut en bas. Mon dieu ! Il est en bien triste état. Ce gamin aurait visiblement besoin de sommeil...

Je m'efface pour te laisser entrer, t'installe dans mon salon, t'invitant à ôter son manteau et son chapeau.

- Ma domestique est partie en courses, elle reviendra bientôt... Permettez-moi de vous poser la question mais... allez-vous bien ?

François entra et s'assit dans le siège qu'on lui proposait, son chapeau sur les genoux.

"Je vous remercie de vous soucier de ma santé, mais tout va bien. Je suis simplement en proie a la lassitude qu'éprouve les randonneurs un lendemain de marche. Paris la nuit semble s'étirer, lorsque l'on va à pied..."

Il joua distraitement avec le bout de sa canne pendant un instant. Puis, se remémorant le but de sa visite, comme pour juger de la confiance qu'il pouvait lui accorder, il sonda le regard de son hôte -et s'y perdit quelque peu- avant de lancer :

"Bon, et bien... Je crois que nous devons discuter. J'ignore encore en quoi vous êtes mêlée a l'affaire qui me préoccupe. Mais peut être devrais je commencer par les civilités d'usage : comme vous le savez, je m'appelles François Valentin. J'habite Paris depuis quelques années. La raison de ma présence a l'hôtel de Cluny hier est que je suivais la piste d'un homme que je soupçonne fort d'être mêlé a la ... Disparition... D'une amie. Je m'y suis fait conduire par un... Ami qui avait visiblement maille a partir avec le même homme. J'ai hélas perdu sa trace dans l'incendie, et son chien me suit depuis avec l'air de me toiser...Il semble nerveux..." (il désigna la fenêtre : le chien était resté assit a l'extérieur.) Je n'ai guère d'affinités avec les animaux, je le crains... Excusez mon impolitesse, mais... Auriez vous du café, par le plus grand des hasards? "

[Désolée, le dernier post était narré à la première personne... Je vais tenter de moins me mélanger dans les types de narration, et tenter de garder un narrateur extérieur à l'histoire, parce que là ça fait brouillon ><"]

Christine écoute avec attention ce que dit le jeune homme en face d'elle, mais tout cela ne l'aide guère... Elle se contente de répondre à sa question :

- Du café ? Oh, j'imagine que ma domestique a dû en préparer...

Elle se lève, va dans la cuisine. La café a été moulu mais les autres étapes restent à faire. Evidemment, Delphine n'allait pas préparer le café avant l'arrivée du l'hôte, au cas où il arriverait en retard. Et Christine n'allait pas se salir les doigts... Elle met de l'eau à chauffer, il boirait du thé et s'il n'était pas content, elle ferait obligeamment remarquer qu'il avait quand même deux heures de retard...

Elle revient dans le salon, souriante :

- Hélas, ma domestique ne l'a pas préparé, mais je vous fais chauffer de l'eau pour le thé... A moins que vous ne préfériez l'attendre, elle ne devrait pas tarder à rentrer. En fait, elle est partie à la gare m'acheter deux billets de train pour Strasbourg... C'est dommage, si vous étiez arrivé plus tôt elle en aurait pris un pour vous aussi...

Mon visage exprime un regret, pas un reproche, bien sûr, mais au moins cela aura été dit...

- Vous avez beaucoup d'amis, dirait-on. L'ami qui vous aide n'est-il pas ce fameux Lucius Cramer ? La personne avec qui vous étiez hier soir, lors de la soirée de Mme De Bonneval ?

"C'est exact. Un musicien dont j'ai fait la connaissance hier au soir. Il s'est trouvé que nous avions des intérêts communs, ce que je n'espérais plus.Quant au thé, ce sera avec grand plaisir, ne vous donnez pas de mal."

Il ne put réprimer un bâillement.

"Ne vous inquiétez pas pour le billet, je saurais en obtenir un a temps. Si vous n'avez rien contre, j'attendrais de connaitre le vôtre et je serais du voyage. Je tenterais d'entrer en contact avec un ami de la famille, qui fit souvent affaire avec mon père autrefois. Je ne pense pas qu'il déclinera la demande d'un fils d'ami en séjour, bien que les alsaciens réservent ces derniers temps un accueil un peu moins chaleureux aux étrangers à la région."


[Pour la petite ambiance : Strasbourg a l'époque retient son souffle :de l'autre coté du Rhin s'élèvent les colonnes de fumées de l'industrie de l'armement de la puissante et menaçante Prusse. Les relations diplomatiques sont des plus tendue tandis que le tout récent pont ferroviaire traversant le fleuve est ressenti comme un bras tendu a une bête féroce et prête a mordre. La méfiance règne entre toutes les échelles sociales : on craint de voir des espions partout; l'élite francophone redoute que le peuple alsacophone (pas sûr du terme là par contre) ne se sente plus proche de la soldatesque allemande et ne se retourne contre eux. Ces derniers craignent que l'élite ne s'enfuit vers l'intérieur en emportant leurs bien et en les laissant a la merci de l'envahisseur. La police est corrompue par les plus riches et plus que répressive avec le bas peuple, au bord du soulèvement. La majorité des soldats autochtones sont enrôlés dans des campagne militaires sur la Méditerranée, souvent envoyés en première ligne et contraints de montrer leur fidélité a l'Empereur des Français... Bref un climat pas très cool.]

Christine ne peut s'empêcher de sourire quand le jeune homme se met à bailler.

- Si vous le souhaitez, vous pouvez dormir ici en attendant que ma domestique revienne, je l'enverrai chercher vos propres billets... Mais pour ma part, je dormirai à l'hôtel, si cela ne vous dérange pas. J'aime être libre de mes mouvements... Et puis, cela évitera de me voir opposer un refus par l'ami de votre père, dit-elle en souriant derechef.

Puis elle marque une pause, soucieuse.

- Oui, j'ai entendu dire que la Prusse s'activait un peu trop... Mais le ministère reste confiant, ils ne pensent pas que la guerre se déclarera tout de suite - et même si c'était le cas, les français sont sûrs de gagner ! N'avons-nous pas pour chef de guerre le neveu d'un des plus grands chefs militaires de tous les temps ? achève-t-elle sur un ton ironique.

Elle se lève, va dans la cuisine, prépare le thé et revient avec deux tasses qu'elle remplit devant le jeune homme. C'est à ce moment là que la porte s'ouvre.

- Ah, Delphine ! Je suis désolée, mais vous allez devoir repartir chercher un billet de train supplémentaire pour...

- Pas la peine, madame ! Vous m'aviez dit que vous ne partiriez sans doute pas seule, donc j'ai pris sur moi de prendre un autre billet d'avance...

- Delphine, tu es une perle !

- Merci madame !

Et Delphine de partir à la cuisine.

- J'ai des domestiques particulièrement efficaces, des vraies perles ! Je ne m'en séparerai rien pour rien au monde ! ajoute Christine avec un sourire ravi. Donc si vous le souhaitez, vous pouvez vous reposer... J'avais prévu de partir dans l'après-midi...

[Eh bien ! ça promet ^^]

"Je ne peux que vous remercier mille fois d'être si prévenante, et je loue l'efficacité de vos domestiques, la chose se fait rare. Mais je ne peux pas me permettre de dormir maintenant, je dois savoir ce qu'il est advenu de monsieur Cramer, son chien m'y aidera peut être. Et puis j'aurais tout le temps de me reposer durant le voyage. J'ignore si ma recherche sera fructueuse, mais je ne pourrais pas la prolonger, aussi donnons nous rendez vous devant la gare. Je tacherais de ne pas être en retard cette fois ci... Je vais prendre le billet, c'est plus sûr. Voici de quoi vous rembourser. A quelle heure est fixé le départ, disiez vous ?"

Après avoir remercié et félicité Mlle de Ventadour pour son thé, François prit congé d'elle, enfonça son couvre chef sur ses cheveux et alla retrouver le molosse qui ne lui renvoyait décidément qu'un regard méprisant.

"Allons, bon. Heu, Kamemberos, c'est ça ? Nous ne sommes pas obligés d'être amis, mais sois un bon chien, aide moi a retrouver ton maitre ..."

Visiblement bien dressé, le chien se mit a renifler le sol en tournant en rond. Appuyé sur sa canne, François soupira : la pluie promettait de lui faire passer un apres midi plutot pénible...

[par contre je vais être pénible, mais j'aimerai que tu n'anticipes pas mes réponses ou non-réponses... Donc pour le coup, tant pis pour toi, je vais te répondre, même si ça t'oblige à modifier ton post ^^]

- Il n'y a pas de soucis... Mais si vous le souhaitez je peux vous aider à rechercher M. Cramer ? J'ai quelques talents pour ce qui est de savoir ce que font les gens... Et puis, vous n'avez pas l'air particulièrement ponctuel, autant ne pas se quitter, je vous aiderai à ne pas manquer votre train, répond Christine avec un clin d'oeil.

Je souris.

- Non. Mais...

Je me penche sur le chien, le regardant en souriant... J'enroule mon esprit au sien, tente d'y trouver l'esprit de Lucius, et de suivre sa trace jusqu'au lieu où il est...

- Je suis sûre qu'il a envie de nous dire où est son maître...

C'est quoi cette téléportation de Coraline, Mademoiselle, je vous prie ? C'est ça d'avoir des multi partout ^^

Corrigé ! ^^' Le pire est que ce n'est pas la première fois que ça m'arrive...

Soudain très pâle, Christine manque de tomber, se redresse en titubant...

Elle marque un temps d'arrêt, regarde François, semble chercher ses mots...

- Finalement je ne mènerai pas la recherche avec vous. Je suis plus fatiguée que ce que je pensais... Mais si on revoit les évènements d'hier soir, je ne pense pas que de toutes manières vous trouverez quoique ce soit. Il était dans l'incendie... Je ne vois pas comment il aurait survécu. Quoiqu'il en soit, je compte sur vous pour être à l'heure à la gare... Tenez, voilà vos billets...

La voyant soudainement défaillir, François se prit a hésiter. Quelque chose d'étrange venait d'avoir lieu sous ses yeux, il en aurait mis sa main au feu.

"Madame ? ... Est ce que tout va bien ?"

Ne sachant que faire d'autre, il lui tendit son bras pour la raccompagner a l'intérieur. Après tout, elle avait probablement raison : ses chances de retrouver Lucius avant de quitter la ville étaient très minces.

"Bien, comptez sur moi. Je m'en vais réunir quelques affaires en vue du voyage. Et si je repassais vous prendre en fiacre d'ici trois heures? Nous pourrions ainsi nous rendre à la gare dans les temps."

Christine se redresse, bien qu'elle soit encore un peu pâle.

- Oui, c'est très bien, faisons ainsi. A dans trois heures, donc, dit-elle en fermant la porte devant le jeune homme.

- Delphine, dit-elle. Je vais devoir me reposer un peu. Peux-tu préparer mes affaires je te prie ?

Elle dort pendant une heure, puis finit de préparer ses affaires, prenant autant de robes simples et pratiques que des robes de soirée, des dessous affriolants... Et certains grimoires qui pourraient lui être utiles.

Cela remplit une grosse malle - heureusement Julian est un homme fort, et puis il y aura toujours un cocher pour l'aider.

Enfin, elle se prépare pour le long trajet, mettant une tenue à la fois élégante et pratique...

Elle se demande si le jeune Valentin sera à l'heure, cette fois...

Revenu a son appartement, François prépara ses bagages : quelques vêtements lancés pèle mêle dans une valise, du tabac, un livre ou deux, le pendentif en forme de rose, et enfin sa dague, son revolver et des munitions en abondance.

Sa cuisinière insista pour lui préparer un panier-repas, sans quoi il serait reparti sans vivres... Il fit nourrir Kerberos, qui ne manquait pas d'inquiéter les domestiques.

Il s'assit quelques instants dans un fauteuil pour se reposer. Agathe en profita pour venir lui parler.

"Ainsi tu pars ? Pour affaire ?"

"Exactement. Ne te fais pas de mauvais sang, je ne fais rien de dangereux ou stupide."

"...Avec une femme ? N'est ce pas ? Je peux encore sentir son parfum sur toi. Tu ne fréquenterais pas quelqu'un sans nous la présenter, hein ? François ..."

Sans mot dire, François songea furtivement a toutes celles qu'il avait connu, séduites ou payées...

"Non, bien entendu, petite sœur. Tu seras la première informée, je te le promet."

La jeune fille le dévisagea d'un air dubitatif. Elle lui adressa un sourire narquois et tourna les talons :

"Un conseil : rase toi. Je doute qu'elle apprécie les échardes qui te servent de barbe..."