L'appartement de Balbu, rue de la Sorbonne

Comme mu par instinct, Balbu se releva.

"Nous allons sortir...Faire un tour du côté de cet hôpital, quel meilleur endroit où trouver du sang..."

Lentement, une certaine conscient émargeait en lui, il ne pouvait être entièrement nouveau, bien qu'il était différent, les traces de ce qu'il était auparavant n'avaient toutes disparues.
Aussi, il se rendit dans le salon en compagnie de Luna pour y prendre sa redingote et ces "accessoires" bien que maintenant ils lui étaient mortels.
C'est sans réfléchir, qu'il ouvrit un tiroir d'une commode près du fauteuil pour en tirer une paire de gants qu'il enfila aussitôt.
Il laissa se tiroir ouvert et prévint Luna.
"Je vais sortir la croix qui est dans ma veste, surtout fermer les yeux, ne regardez pas, ça pourrait vous être néfaste."

Obtempérant, la vampire tourna le dos à Balbu.
Celui-ci se plaça entre le tiroir et la femme. Il enfila la redingote, puis fermant les yeux, il sortit la croix qui était dans la poche et la déposa dans le tiroir ouvert et le referma aussitôt.

Autant, garder quelques fioles d'eau bénite, ainsi qu'une dague en argent pourrait s'avérer utile, mais la croix est bien trop puissante que pour la garder avec soi.


Se tournant vers Luna, il rajouta d'une voix qui s'était voulue plus carnassière qu'il ne le voulait.
"Allons-y."

l'asile...


Une fois arrivée à l'appartement de Balbu, Coraline put de nouveau exulter librement. Les relents de foi et de magie qui inondaient l'appartement la nourrissaient, lui permettaient d'être de nouveau réelle.

Il lui fallut quelques secondes pour saisir l'étrangeté de la forte présence de la magie d'Achéron dans le lieu de vie d'un homme de foi. Elle se rappela alors qu'il n'était plus qu'un simple homme de foi - mais aussi, désormais, une créature...

Pendant que Balbu posait Luna sur son lit, elle se dirigea vers la cuisine, fit couler un peu d'eau, y passa tendrement sa main, caressa le fluide comme elle caressait ses amants puis disparut quelques minutes. Pendant ces quelques minutes elle remonta les canalisations puis décida d'accélerer le processus, passa dans les ombres et ressortit dans les ondes si délicieuses de la Seine, en face de son hôtel particulier. Là, elle prit la peine de s'habiller et prit le même chemin pour revenir à l'appartement.

En fermant le robinet - quelle merveilleuse invention était l'eau courante ! - elle laissa un sourire carnassier saisir ses lèvres. La magie... Elle l'avait trop peu utilisée lors de son dernier séjour ici. Mais cela allait changer. Elle n'aurait plus peur... Elle voulait devenir puissante - puissante dans l'esprit des hommes. La promesse qu'on lui avait faite, là-bas, devenait peu à peu un désir ardent qui lui était propre.

Avoir dû fuir devant de faibles humains l'avait laissée humiliée, meurtrie. Cela ne lui arriverait, ne lui arriverait plus jamais !

Elle sortit son peigne d'écaille serti de perles pures et s'en coiffa, tout en se dirigeant vers Balbu et Luna. Elle considéra cette dernière avec compassion et mépris. Quelles faibles créatures que ces vampires... Et en même temps... En même temps ensembles ils avaient lutté contre la Sentinelle... Où était Volpino ? Etait-il resté coincé là-bas ? Ou bien avait-il réussi, comme elle, à revenir là où la vie avait un goût de puissance et d'exaltation ?

- Je crois qu'il lui faudrait du sang... Voulez-vous que je vous ramène quelqu'un ?

Bien que peu habituée à la chasse, elle avait fort envie de rencontrer, de nouveau, des humains, ses faibles humains dont l'amour la nourissaient. Ce rapport de maître à esclaves lui manquait, soudain, cruellement...

- Nous avons en effet besoin de sang...Mais l'idée de le prendre sur quelqu'un d'innocent ne me plait guère.
La personne que vous ramèneriez ne devra en aucun cas être quelqu'un de bien ou d'innocent.

Dieu, pardonnez-moi pour ce que je m'apprête à faire, bien que je ne compte pas enlever la vie d'un humain, Luna a vraiment besoin de sang. Et sans sang, je ne puis accomplir votre volonté en exterminant le Mal.


- Bien Mademoiselle Coraline, je vous en conjure, revenez vite, l'existence de Luna repose sur vous.

(Si Coraline sort, Balbu retourne auprès de sa belle vampire à côté de laquelle il s'assied, priant Dieu de sauver sa bien-aimée.)

Coraline fit la moue. Trouver quelqu'un qui ne soit pas un innocent ? Qu'est-ce que cela pouvait faire ? Enfin...

Elle descendit les escaliers d'un pas leste et joyeux et se retrouva dans la rue sombre de l'appartement de Balbu. Elle laissa les odeurs aigres de Paris l'envahir, laissa le vent frais caresser sa peau... Tout cela - le froid, la puanteur - était la vraie vie... Celle-là seule à laquelle elle aspirait de tout son être.

Bien sûr, elle était loin, ici, des douceurs et de la pureté des abords du Rhin. L'Allemagne lui manquait, avec ses accents rudes et ses moeurs moins vivantes que celles de Paris. Elle se rappelait la couleur chatoyante de la bière que les hommes buvaient, le doré des cheveux des femmes de là-bas - doré que ses propres cheveux surpassaient largement mais qui était toujours plus brillant que les tristes bruns d'ici...

C'était sur ses pensées nostalgiques que Coraline déambulait dans les rues de la capitale française quand soudain elle entendit un cri. Un cri de femme déchirée. Se rappelant soudain de sa quête, elle se dirigea vers l'origine de ce cri et découvrit une femme, visiblement enceinte, allongée sur le carreau, se tenant le ventre. Elle courut vers elle, s'agenouilla à ses côtés. La femme était en larme. Elle caressa doucement ses cheveux...

- Que s'est-il passé ?
- Mon amant, mon amant m'a frappé parce qu'il ne supporte pas l'idée que je puisse avoir un enfant de lui. Il voudrait que je perde cet enfant, il dit qu'il ne veut pas se marier. Il est parti parce qu'il a entendu le bruit de vos pas, mademoiselle, mais il reviendra... Il reviendra finir son travail... Il finira par enlever mon enfant...

La jeune femme s'effondra en larmes, serrant la main de Coraline très fort. Décidemment, cela ne pouvait mieux se passer...

- Ecoutez mademoiselle. Allez chez moi, vous y trouverez tout ce qu'il vous faut pour vivre en mon absence. Allumez du feu, dormez sur le divan près de la cheminée. Je reviendrai d'ici peu. Tenez, voici mes clefs...

La jeune femme la regarda, surprise, intimidée.

- Je ne peux accpeter une telle invitation...
- Ce n'est pas vraiment une invitation. Je vous aide mais vous me devrez reconaissance, n'est-ce pas ?
- Oh oui mademoiselle, je vous en serai éternellement reconnaissante !
- Eh bien soit, c'est vous qui le voulez ainsi, dit Coraline avec un petit sourire cruel. Partez donc, faites comme chez vous, vous y serez bien je pense. Et comment s'appelle votre amant ?
- Il s'appelle Coupot, Jacques Coupot.
- Où pourrais-je le trouver ?

La jeune femme lui donna l'adresse puis Coraline la fit monter dans un fiacre qui l'amènerait dans son hôtel particulier, sur les abords de la Seine. Ensuite seulement Coraline se dirigea vers sa nouvelle cible.

Cela fut d'une facilité déconcertante. Il lui suffit de se faire ouvrir la porte et de le regarder droit dans les yeux... Il perdit son âme dans les yeux couleur de Rhin, les yeux couleur reflets de la nuit sur une eau calme, couleur océan agité. Perdu dans les eaux traîtres du Rhin, perdu dans la vase d'un lac, perdu dans l'Océan, il ne put que suivre Coraline jusqu'à l'appartement de Balbu.

- Voilà, c'est fait. Bon appétit !

- Merci beaucoup Mademoiselle Coraline. Vous venez sans doute de nous sauver. Je vous en suis reconnaissant.

Après s'être assuré que l'homme n'était pas innocent, Balbu le fit monter dans la chambre où Luna se trouvait.
Il le plaça debout à côté du lit, puis entailla légèrement l'avant-bras de cet homme, et fit couler son sang dans la bouche entrouverte de Luna.

Il n'avait plus qu'à espérer que cela serait suffisant.

Nourrissez vous du sang de cet homme, puissiez-vous revenir à vous.
Votre heure n'est pas encore venue, je ne le permettrai pas.

Miss Luna, du fond de son sommeil sans rêve, qui était plus une absence qu'un réel sommeil, sentit quelque chose de chaud, quelque chose de profondément rassurant et infiniment délicieux, s'insinuer dans son corps et dans son esprit... La vie... La vie revenait à elle sous des couleurs rubis chatoyant, dans une odeur sucrée légèrement alcoolisée... Le sang était la vie...

Sensation vitale en fond de gorge, qui s'écoule lentement en elle. Sous ses paupières l'on peut distinguer un léger mouvement signe que la jeune femme reprend connaissance.
Les bruits de la maison parviennent à ses oreilles dont l'ouïe surdéveloppée distingue le moindre bruissement, de la souris qui gratte dans les galeries derrière les plinthes des murs de la chambre au corbeau qui croasse juste au dessus de sa tête, perché sur une tuile du toit quelque peu bancale et qui l'accompagne d'un cliquetis rythmé par ses pattes nerveuses, en passant par la respiration caractéristique de son compagnon à ses côtés teinté d'anxiété.

Sa main s'avance sur le drap, cherchant la sienne. Ses yeux s'ouvrent se fixant sur le visage blème qui lui fait face. Elle lui sourit faiblement, murmure :

Bonjour vous.

C'est avec un sourire de soulagement mêlé de ravissement que Balbu accueillit le réveil de sa belle.

- Bonjour vous.

Sur l'instant, il n'y avait rien d'autre à ajouter. Simplement profiter du retour de Luna.
Il lui caressa la main avant d'y déposer un baiser.
Il resta encore quelques instants à la savourer des yeux.
Le manque de sang commençait à se faire sentir, il lui fallait se nourrir s'il voulait éviter de subir la même mésaventure que sa maîtresse.

- Ma chère, régalons-nous, profitons de ce sang mis à notre disposition.

Un sourire carnassier naquit sur les lèvres de Balbu. Ce sourire était aussi bien destiné à Luna qu'à la proie ramenée par Coraline.

Les yeux de la belle brillèrent de gourmandise. Jamais sang n'eut saveur plus éternelle que celle-là.
Peut être parce que guidée par sa survie, elle se laissait enfin aller à son instinct de créature.
Peut être parce que l'achéron l'avait frôlée de trop près et qu'elle savait sa chance.
Peut être aussi parce que pour la première fois, elle n'avait aucun remord à vider un humain de son sang.

En quelques mots, Balbu lui avait expliqué comme pour excuser son geste, la provenance de leur "garde-manger".

Savourant chaque goutte, repue, elle questionna son amant :

Que s'est il passé...Comment nous en sommes nous sortis, je nous croyais perdus.

N'entendant plus de bruits de succion, Coraline se permet de toquer à la porte de la chambre...

"Nous allons en parler, notre invitée est là, faisons-la entrer."

Balbu se leva et ouvrit la porte, faisant entrer Coraline, lui proposant de s'asseoir sur une chaise à bras Louis XVI assagi.
S'asseyant au côté de son aimée, déposant un baiser sur sa main, il lui dit :"Voyez ma Chère, Coraline nous est revenue. L'heure est maintenant aux questions."

Puis s'adressant aux deux femmes :"L'épisode de l'hôpital est assez confus pour nous tous, je pense, mettons nos connaissance en commun pour essayer de trouver un maximum de réponse à tous ces évènements.
Mademoiselle Coraline, il me semble juste que vous soyez la première à obtenir des réponses, donc posez vos questions Luna et moi tacherons d'y répondre pour un mieux."

L'esprit tourné vers la femme qui l'attend dans son hôtel particulier, Coraline n'était venue que pour prendre congé. Mais après tout, il y a en effet une question qui lui traverse l'esprit...

- Comment se fait-il que vous ayez renoncé à la chance d'être né humain pour rejoindre les rangs des créatures maudites de l'Achéron ?

- Je n'ai pas renoncé à mon humanité, et je n'ai pas rejoint le rang des créatures maudites. J'ai simplement rejoint Luna, nous voici maintenant lié de manière inextricable. Maintenant je partage cet état avec Luna. C'est l'Amour qui m'a guidé, tout simplement. Et puis, maintenant, je suis encore plus à-même de la protéger.
Rien n'aurait pu m'empêcher de me rapprocher et de rejoindre Luna.
Quoiqu'il en soit, Dieu me pardonnera, car cela ne m'empêche en aucun cas de continuer à être son bras armé, que du contraire.
Je ne sais si ma réponse vous satisfait.
Je vous remercie grandement pour le diner que vous nous avez apporté, il nous faudra nous débarrasser de lui, mais cela est un autre sujet.
J'imagine que vous n'étiez pas venue juste pour me poser cette question, vous aviez certainement quelque chose à nous dire.


Balbu était agréablement surpris de l'énergie que Luna avait retrouvée, il leur faudra repartir bientôt à la recherche de la personne qui s'est enfui de l'hôpital, mais tout de suite, il était à l'écoute de Coraline.

Coraline hausse les épaules. Amoureux... ou fou ? Qu'importe, il était trop tard désormais. Il comprendra plus tard, quand il se retrouvera sur les terres infertiles d'Acheron...

Comme à chaque fois qu'elle y pensait, elle se mit à frissoner, ayant froid dans son coeur.

- En vrai je n'avais rien à vous dire. C'est par hasard que je vous ai rejoint à l'asile, et je vous ai suivi parce que je n'avais rien d'autre à faire sur l'instant. Si vous avez besoin d'aide, je veux bien vous en apporter - cela me dégoudira un peu... Sinon, quelqu'un m'attend chez moi

- A vrai dire, toute aide est la bienvenue, bien qu'il me faut avouer être un peu dépassé par les évènements.
Un être maléfique est en ville, Luna l'a aperçu en songe à l'hôpital, et vous étiez déjà arrivée pour voir ce qui s'ensuivit.
Je ne sais trop par où me tourner maintenant pour poursuivre.
Si vous avez mieux à faire, cela pourrait vous sembler désobligeant.
Par contre, cela pourrait être utile si nous connaissions un moyen de vous joindre en cas de besoin.

Maintenant que Balbu se sentait revigoré après avoir pu se repaitre de sang, il fallait qu'il trouve comment avancer dans ses recherches.

- Peut-être pourrions-nous commencer par savoir qui a été enlevée par la créature... Cela devrait nous donner une piste...


La demoiselle en détresse l'attendra - le moment présent est toujours tellement plus intéressant !

- Vous avez raison Mademoiselle Coraline. Maintenant il nous faut trouver comment procéder pour découvrir son identité. Pour l'instant, je nous imagine assez mal retourner dans cette hôpital, vous risqueriez de disparaitre et le sort qui nous serait réservé ne serait guère enviable...


Balbu se mit à réfléchir.
Il nous trouver rapidement une piste sans quoi, notre cible pourrait s'éloigner très rapidement.
Peut-être que les journaux de demain parleront de cet incident à l'hôpital et que le nom de la personne disparue sera cité.

- Le journal, ce qu'il s'est produit à l'hôpital n'a pas pu passer inaperçu, donc il est possible qu'un journaliste relate les faits et ne dévoile l'identité que nous recherchons. Pour l'instant, je n'ai guère mieux à vous proposer.

- Pour être franc, j'ignore beaucoup de choses sur mon nouveau statut, je découvre au fil du temps quelle est la part de réalité et de mythe dans ce que la plupart des gens croient savoir sur les vampires. Luna serait plus à-même de confirmer ou infirmer cela. Mais il est certain que la nuit nous convient bien mieux pour agir.
Et vous Mademoiselle Coraline, quand vous reposez-vous?

Luna était absorbée à regarder la jeune femme qui avait fait son apparition quelques minutes plus tôt... Son esprit vagabondait, fantasque, entre réminiscences d'un passé douloureux et événements de la nuit passée.

Brusquement une phrase prononcée avec plus de force que d'autres peut être, perça le brouillard dans lequel elle se trouvait

Le jour ?

Elle répondit du bout des lèvres : Oui, la nuit sied mieux à notre teint... Le jour nous est interdit.. Pour l'instant. Quoique par ces temps sombres... C'est le soleil que nous devons craindre... Si le temps est voilé et que toujours l'ombre nous arpentons... Alors... Mais j'admets que cela est risqué.

Elle se tut, soudain consciente d'avoir empêché Coraline de répondre à la question de Balbu. Elle la remercierait plus tard de les avoir sauvés. Tout se brouillait dans son esprit encore bien confus.

- Me reposer ? Je ne dors pas, je me ressource...


Elle marque une pause, puis continue :

- Demain, à l'aube, j'irai chercher le journal comme ça nous pourrons le lire ensemble, donc.

- Bien, je vous remercie Mademoiselle Coraline de votre dévouement. Je propose que nous nous installions dans le petit salon, nous y serons mieux installés.

Balbu se lève, ouvrant la marche aux deux femmes le suivant docilement jusqu'au salon.
Il offrit à Coraline de s'installer dans un confortable fauteuil à joues, tandis qu'il fit asseoir Luna dans une somptueuse marquise, s'assurant ainsi la possibilité de s'asseoir à ses côtés.

- Puis-je vous proposer un petit rafraichissement?

Je vais chercher plusieurs journaux, reviens, les lis avec attention, vais faire un tour rapide chez moi pour donner des indications à la jeune femme que j'héberge, la prévenant que je ne serais pas là de quelques jours mais que je lui conseille vivement de faire comme chez elle, et surtout de rester là, puis reviens, attends leur réveil pour leur faire le résumé des informations trouvées...