Scenario X : D'amour et de sang [Alexandre Carnby]

La tête lui tournait...
Imbibé d'alcool jusqu'au moindre repli de sa chemise, l'homme était vautré sur le tapis de son hôtel, une bouteille de mauvais alcool à la main...
Depuis son arrivée sur le sol français, il n'avait pas vraiment trouvé chaussure à son pied : l'"Indien", comme l'appelait les ouvriers de la rue Quincampoix après qu'ils eurent appris son ascendance américaine, n'avait pas encore eu le moindre indice....

Pourtant, en ouvrant ses yeux collés par l'alcool, il pût apercevoir un pli, glissé discrètement sous la porte.
Une écriture fine et élégante et un léger parfum de rose s'en échappait...

Citation :

A l'intention de M.Carnby

indiquait l'enveloppe.

La lettre était écrite sur l'un de ces papiers fins qui coûtaient une fortune dans les papeterie à la mode de Paris et le tracé des lettres dénotaient un certain sens de l'élégance et du détail.

Citation :

Monsieur Carnby,
Je souhaites m'entretenir avec vous d'une affaire qui me tient à cœur au plus haut lieu. Elle nécessite discrétion, tact et finesse : tout ce qu'un représentant de la Pinkerton se doit de posséder.
J'en dirais le moins possible par écrit, mais vous me trouverez au salon de thé de la Maison Jolliet, près de Notre Dame de Laurette, vers 16 heures...
Si vous désirez m'aider, retrouvez moi là bas.
A bientôt.

LF

*16 heures...* Il avait amplement le temps de dessouler, de prendre une douche et de se montrer présentable... Alexander arriva au rendez vous a l'heure mais avec un sacré mal de crane. Il inspecta le salon de thé discrètement a la recherche de celle qui lui avait envoyé cette missive...

*bon pour la discrétion c'est fichu* songea t'il.

Il entra avec l'impression d'avoir tous les regards posés sur lui. Il enfonça son chapeau sur sa tête comme pour cacher ses pensées et sa mauvaise humeur.


*La "bonne société"... De face on montre a tout le monde que l'on est bien éduqué et au dessus des gens. Et de dos on trahi celle que l'on a épousée uniquement par intérêt. Quelle farce.*

Il s'assit à la table ou était disposé la rose et posa cette simple question d'un air renfrogné tout en la dévisageant:

-Bonjour... Vous étés L.F. ?

Le visage de la jeune femme s'ouvrit d'un large sourire tandis qu'elle tendait la main en direction d'Alexandre...

- Laurentine de Flore....C'est...mon nom de scène dira t-on termina t-elle, espiègle...
En quatre mots, le détective avait pu comprendre pourquoi autant d'homme se devait de dépenser leur fortune pour ne serait-ce qu'un moment au coté de Laurentine...
D'un port altier, la jeune femme resplendissait d'élégance : un maquillage naturel et peu marqué, un peau d'une blancheur parfaite, des courbes à donner le mal de terre à un marin endurci et une blondeur angélique, camouflé par un élégant chapeau à ruban, qui achevait de lui donner cette candeur trompeuse et ô combien séduisante...

- Vous êtes bien Alexandre Carnby ?

Laurentine fit une moue déçue lorsque le détective ne daigna pas lui donner le baise-main qu'elle avait amorcé et elle retira son bras sèchement.

- Pour quelle raison ? Quelle idée ! Pour vous recruter bien sûr... A moins bien sûr que vous ne soyez aussi efficace que poli, au quel cas, je préfère avoir recours à l'un de vos collègues...

L'aigreur de Carnby, failli lui coûter son travail, il essaya de se rattraper plus ou moins bien.

-Veuillez excusez mon amertume votre apparence me rappelle une expérience qui m'est fort douloureuse... Pourrais-je en savoir plus sur ce travail pour le quel vous m' avez fait venir ?

La jeune femme répondit par une moue moqueuse à la réponse de Carnby et se détendit

- Rien qui ne puisse sortir du domaine de vos compétences, je présume...
Il s'agit d'un homme...Un homme qui m'a terriblement fait souffrir Monsieur Carnby, car il me délaisse...
Cet homme est un lâche, Monsieur Carnby, qui a fuit sa femme, dans les bras de sa maîtresse, puis sa maîtresse dans mes bras et enfin moi, probablement dans les bras d'une autre...Une autre dont je voudrais avoir l'identité pour commencer...Mais je ne m'arrêterais pas là, si vous vous montrez efficace, je voudrais porter l'estocade à cet être digne de mépris, qui ne vit que parce qu'il a fait un mariage fortuné...
Je vous paierais donc, Monsieur Carnby, sur les restes fumants d'un empire qui s'effondrera sur lui...Et pour vous faire part de ma bonne foi, je fixerais vos honoraires à 400 francs par découverte importante sur la nouvelle vie de ce pauvre hère...C'est entendu ? termina la jeune femme avec un sourire carnassier...

Carnby sorti un carnet et nota ses dires.

*J'ai l'impression qu'elle me prend pour une truffe, mais je n'ai pas tellement de choix.* songea-t-il tout en écrivant ...

-C'est une offre qui ne se refuse que difficilement... Pouvez vous m'en dire plus sur ce "bourreau des cœurs", les endroits qu'il fréquente ou son type de femmes ?

- Alphonse De la Valière. Notez qu'il n'est pas aristocrate, il a acheté sa particule... fit Laurentine, moqueuse Et rangez ce carnet je vous prie, si un de mes "petits maris" me voyaient ainsi avec un calepin à mes cotés, ils penseraient que mes indiscrétions les touchent tous et que je donne leurs petits secrets à la presse....
Si je vous disais que la chaise que vous occupez actuellement est la sienne...Oui, car Alphonse aime les femmes jeunes et éduquées...Où chercher ailleurs à Paris qu'ici ? Pauvre Alphonse, la majorité des femmes d'ici en ont plus dans le crâne que lui...Mais il est si touchant, avec son air malheureux...Vous auriez du le voir, le mois dernier, avant sa redingote mise de travers...
Sa femme ne s'occupe plus de son apparence depuis qu'elle se sait dupée...et je la comprends d'une certaine manière...
Ils habitent à Mantes, dans les environs, mais Alphonse monte à Paris pour le travail : il est notaire, à l'étude du Quai d'Orsay et possède quatre appartements, dont l'un à Monceau qu'il prêtait autrefois à Louise Émile, sa maîtresse...Il l'a d'ailleurs chassée comme une malpropre, le mufle...
Celui où il me recevait se trouvait du coté de Vincennes...Vous connaissez Vincennes ? C'est charmant...

Il rangea son carnet et son crayon en lâchant un léger soupir.


-* Alphonse De la Valière notaire marié, maison Mantes, appartement Monceau, Ex Amante Louise Émile, appartement Vincennes.* nota-t' il mentalement.

- Louise Émile est elle une de vos "consoeurs" ?

La jeune femme gloussa en haussant doucement les épaules

- Louise ? Mon dieu non...C'est une jeune femme aussi prude que naïve qui s'est laissée séduire par cet idiot...
Je dois bien vous dire qu'au début, je la haïssais, mais je me suis rapidement rendu compte qu'elle était plus une victime qu'autre chose la pauvre fille.
Je crois qu'il a voulu retrouver le coté un peu "homme" qui lui manque un peu, le protecteur au grand coeur et au large porte-monnaie..Mais il s'en est vite lassé...

La jeune femme prit un air peiné et sincère...

- La pauvre était enceinte à ce qu'il paraît et menaçait de rendre publique cette affaire s'il ne divorçait pas de sa rentière pour elle....
Il l'a faite accusée de vol avec des gens de sa connaissance...Elle a passé un temps à la prison pour femme puis a été libérée...je ne sais pas ce qu'est devenue la pauvrette...
Il n'y a pourtant pas si longtemps, j'aurais donné mon âme pour qu'elle subisse ce sort...Aujourd'hui, je regrette l'idée même d'y avoir songé...

La jeune femme laissa éclater un rire frais à la remarque du détective..

- Il suffira de me le demander poliment, monsieur Carnby...En ce qui me concerne, c'est très souvent ici que vous me trouverez et si je n'y suis pas, ma foi...Vous patienterez fit-elle en terminant sa phrase d'un clin d'oeil et en ramassant son minuscule sac d'un geste rapide... Bonne journée...

-bonne journée.
*Quelle bonne femme antipathique...*

Alexander Carnby se dirigea vers la sortie une fois assez éloigné, Il sorti son carnet et nota les informations en souvenir ...

Peut être qu'un indic' aurais pu l'aider a trouver cette Louise, elle avait surement changé de nom. Si il était a New York... Là il devrait en trouver d'autres, il savait que la seule façon d'en trouver, était d'aller dans un bar des rues malfamées...

Carnby s'approcha d'un jeune bateleur qui devait avoir entre 16 et 18ans... Ca lui rappelais sa jeunesse, lui aussi fut indic avant de devenir privé, puis il a eu alexandra et tout bascula...

*C'est pas le moment de songer a ça...* songea t'il

-Hey, petit ça te dirais d'arrondir tes fins de moins de façon régulière et sûre ?
Dit il en fessant tournoyer une pièce en l'air, qu'il rattrapa de la même main...

- Pour sûr, m'sieur fit le garçon édenté qui n'avait d'yeux que pour la pièce tournoyante... Ici, personne ne cracherait sur une pièce de dix sous... Puis il se renfrogna, l'air inquiet C'est pas un truc de la rousse (ndlr : la police), hein ?

- D'accord m'sieur...Mais j'prends pas de risques, hein ? Si jamais c'est des sales types, je file sans demander mon reste...Mon père me ficherait des beignes s'il savait que j'filoche des gens pour des sous...