L'appel de Nord

Balbu fut surpris par la réaction de Coraline, mais il ne fit mine de rien et l'écoutait avec beaucoup d'attention.

Voilà qui est peu banal! Je me demande jusqu'où vont ses pouvoirs.

- Il parait évident qu'il faut à tout prix éviter que vous n'ayez à utiliser vos pouvoirs devant que Volpino. Le résultat pour être bien pire que ce que nous sommes venus faire ici.
Je ne vous connais pas, mais j'ai confiance en vous, si vous pensez pouvoir vous acquitter de la prise d'informations sans risquer votre vie, je ne suis pas contre.
Bien que mon amie se trouve là, je suis persuadé qu'elle est de notre côté. Il ne peut en être autrement.

Balbu cherchait surtout à se rassurer sur ce qu'était devenue mademoiselle Luna.

Coraline ne put s'empêcher de faire éclater son rire cristallin, gouttes de cristal gelé qui éclatent sous les rayons du soleil d'hiver...

- Je ne crains pas la mort - quoique peut-être je pourrais craindre pire encore... Mais il vaudrait mieux sans doute pour vous que vous vous teniez à distance en attendant, il pourrait être capable de vous envoyer ses succubes... Il nous sera très facile, à ton amie et à moi, de vous rejoindre... Je ne sais pas ce que vous en dîtes...

Lucien se mit à jongler avec le couteau...

<<Moi les couteaux ça m'ira.
Ma mère était Tzigane. Par contre l'eau bénite...


J'ai cessé de fréquenter l'église quand j'ai interrompu mes études de théologie et surtout j'ai eu une vie très dissolue...
Je ne dénie pas l'existence de Dieu, mais j'ai cessé de lui rendre un culte depuis longtemps.
J'espère que l'assiduité au culte et une vie chaste ne comptent pas parmi les ingrédients spirituels qui rendent ces fioles utiles face à Volpino.

Pour le reste, ma curiosté a toujours été plus forte que ma peur de la mort.>>

Coraline secoua son délicat visage.

- L'eau bénite n'aura de pouvoir que ce que tu lui en accordes... PLus tu es convaincu de l'existence d'une créature et plus tu crois pouvoir l'éliminer par certaines armes et plus tu le fortifies mais aussi plus tu as de le chance de l'éliminer de cette manière...

Le vieux Paul tremblait de tous ses membres.. Il se tenait là devant elle tel un somnambule...

Il la dévisagea...

Venez avec moi..
Je dois vous montrer quelque chose ...[/b]

Il partit dans le long couloir et se dirigea vers le fond. Il hésita puis ouvrit la porte et en franchit le seuil..
Intriguée, la jeune femme le suivit .


Ils entrèrent dans une pièce sombre, une chambre... Luna tenait en main l'un des chandeliers du couloir .. Elle porta la lumière de celui-ci sur le mur d'en face...

Le portrait d'une dame y était accroché...

Mon Dieu... Elle se recula, cueillie par la surprise...

Voyez... C'est ben c'que j'pensais... Identique ....

Le vieux Paul regardait tour à tour le tableau et Luna, saisi par la ressemblance.

Luna balbutia ... Mais qui est elle ?

Le vieux Paul se retourna

C'était la première femme de Volpino.. Elle portait sa descendance... Elle a été tuée par des hommes venus de la ville...On sait pas pourquoi...

Balbu acquiesça aux dires de Coraline comme pour les confirmer.

- Pour revenir à notre ébauche de stratégie, il semble être indéniable que vous êtes la plus à-même de partir à la pêche aux renseignements.
L'idée ne m'enchante guère, bien que vous ne craignez pas la mort. Aussi la décision vous revient. Mais il va falloir se mettre rapidement d'accord sur notre lieu d'attente et sur l'heure de votre retour, car il me semble que nous ne devons être bien loin d'Epernay.
Nous arrêtons-nous avant le village? Combien de temps devons-nous vous attendre? Comment savoir si vous n'êtes pas en difficulté et si vous n'avez pas besoin d'aide? Volpino est-il capable de sentir votre présence mademoiselle Coraline?

Balbu se demandait quand même s'il ne compliquait pas un peu les choses, mais il ne trouvait pas cela utile d'avoir fait tout ce trajet si c'était pour venir mourir à deux pas de mademoiselle Luna.

- Pas mademoiselle Coraline, mais Coraline tout court... Je pense que oui, il peut sentir ma présence - mais il pourrait sentir la vôtre aussi encore plus sûrement que la mienne : la proie est toujours plus fragile sur le territoire du prédateur... Tant qu'il fait jour, je pense que vous pouvez m'attendre à Epernay même. Si vous restez toujours à proximité d'eau, je pourrai vous rejoindre à n'importe quel moment, même si je n'utiliserai cette solution qu'en cas d'extrême danger... Ceci dit, je ne pense pas que j'en courrai réellement : Volpino devrait être prudent en ma présence - du moins je l'espère... Si je ne suis pas revenue avant le coucher du soleil, cessez de m'attendre et faites comme si je n'existai plus...

Elle marqua une pause le temps d'un frisson puis reprit :

- Pour ma part, la seule question que je me pose est celle-ci : est-ce que je rentre sur son domaine ou est-ce que je l'attire à l'extérieur ? J'imagine qu'il est accompagné d'humains qui doivent augmenter sa puissance, et me retrouver en territoire ennemi ne m'enchante guère - même si je ne crains, du moins en plein jour et donc à égalité avec Volpino, pas grand chose...

<<Le problème c'est de l'atteindre lui surtout... Si nous nous retrouvons face à de simples gros bras chez lui ou dehors, nous aurons du mal. Sauf si nous pouvons compter sur votre inimitable charme Coraline.>>

Lucien fixa Coraline du regard. Ses propos laissaient entendre qu'elle était bien plus puissante qu'elle ne l'avait laissé croire. Cela l'intriguait...

Il demeura pensif avant de saisir les fioles d'eau bénite.

<<Je garde la dague, mais je pense qu'entre mes mains ces deux objets là seront finalement inutiles, je pense.>>

Devant le regard héberlué de Balbu, il eut un sourire.

<<Il vaut mieux mourrir en accord que vivre en désaccord...>>

Coraline laissa éclater son sourire sous le compliment de Lucien.
Elle saisit les deux fioles d'eau bénite laissée par Lucien et les attacha à ses jupons, laissant entrevoir des jambes de toute beauté.

- En ma présence, ne vous inquiétez pas des mortels... Ceci dit, je vois qu'on est arrivé à Epernay... Peut-être pourriez vous partir en quête d'objets pouvant vous boucher les oreilles ? Il serait dommage que, lorsque le moment sera venu de passer à l'attaque, je me vois réduite à l'impuissance par votre faute. Si jamais vous croisez un magyar, n'hésitez pas à le faire parler... Mais j'imagine que je vous dis là des évidences. Si vous n'avez rien d'autre à dire, je vais directement partir chez Volpino...

Le coche s'était arrêté devant la mairie d'Epernay...

Coraline laissa descendre les deux hommes et demanda au coche de l'amener sur le domaine de Volpino. Que le cocher se renseigne lui-même pour le situer ! Après tout, il était payé pour ça...

Maintenant seule, Coraline se laissait bercer par les coups sourds des sabots sur les pavés. Elle se demandait bien comme tout cela finirait. Elle ne savait même pas comment elle s'y prendrait. Elle ferait selon le sens du vent, comme à son habitude...

Lucien regarda s'éloigner le fiacre.

<<Je n'ai pas tout compris son plan, j'espère qu'elle pourra tenir tête à ce monstre... Que faisons-nous Balbu ?>>

Lucien a ses deux couteaux à portée de mains.

Balbu regarda autour de lui pour s'imprégner des lieux. Et c'est sans se retourner qu'il répondit à Lucien:

- Je pense que le plus urgent est de trouver un point d'eau pour que mademoiselle Coraline puisse facilement nous retrouver. Ensuite, nous chercherons un moyen de boucher nos oreilles, ainsi qu'elle nous l'a recommandé. Et en dernier lieu, nous verrons s'il nous est possible d'obtenir quelques renseignements.

Balbu se sentait à la fois déterminé sur la tâche qu'ils devaient accomplir et à l'affût car il était en territoire ennemi.

Le regard de Balbu s'arrêta sur plusieurs champs.

S'il y a des champs, il doit y avoir une rivière pour procurer l'eau nécessaire à la culture. Allons par là.

Balbu montra de l'index un champ peu éloigné d'eux.

C'est donc vers le champ que Balbu et Lucien s'en vont.

Il ne fallut pas longtemps à Coraline pour arriver à destination.
Elle paya le fiacre et le laissa s'en aller - elle trouverait toujours un moyen pour revenir...

Devant la grille fermée elle se tint droite, calme.

Elle ferma les yeux et chercha dans l'espéce la présence d'autres créatures...

Lucien désigna un bosquet serré au milieu des paturages.

<<Au milieu de ces arbres il y a sûrement un trou à vache : un petit marais aménagé pour faire boire les bêtes. L'eau n'est pas très propre, mais il doit y avoir au moins 1mètre 50 de profondeur. En plus c'est isolé. Pour les oreilles, nous allons acheter de la cire à paysan et la faire fondre pour avoir des bouchons.>>

Lucien veut choisir une ferme isolée.



Epernay est une assez grande ville, quelqu'un pourrait-il nous-y situer ?

Coraline ouvrit lentement les yeux et tenta de se détendre. Les frissons parcouraient son corps et, soudain, elle se sentit bien seule... Tant de sentiments négatifs traînaient ici, tant de perversité... Volpino était un gouffre d'énergie et il vint à l'esprit qu'il ne suffirait peut-être pas de beaucoup de choses pour faire venir une sentinelle. Peut-être, s'il n'y a avait pas d'autres moyens, cela pourrait être une solution pour se débarasser de Volpino.
Elle espéra que les seuls sentiments familiers qu'elle avait repérés - la mélancolie, la souffrance - provenait de l'amie de Balbu. Si c'était le cas, et malgré sa nature, il se pouvait, en effet, qu'elle soit utile...

Mais pour l'instant, elle n'était là que pour trouver des informations.

Elle tourna la poignée de la grille pour vérifier si elle était ouverte ou fermée.

- Monsieur Lucien, je vous demande de ne pas aller trop en avant, voyez-vous, la nature de ce terrain m'est difficile praticable.

Balbu indiqua à Lucien sa canne et sa jambe.

- Je suggère d'essayer de trouver un chemin plus aisé, tout en étant le plus proche de l'une ou l'autre mare. Quant à nos oreilles, je me demandais si utiliser de la mousse d'arbre ne serait pas suffisante. Il faut aussi que nous approchions de Volpino, si jamais mademoiselle Coraline avait besoin d'aide, nous ne serions pas trop long à intervenir.
Comme vous avez plus d'aisance à vous déplacer, je vous demanderai de bien vouloir me guider vers les meilleurs sentiers.

Mademoiselle Luna, l'heure de votre délivrance est proche, nous arrivons.

Coraline ne put cacher sa stupeur en reconnaissant la jeune femme qui vint lui ouvrir la grille.

- Vous... hier soir... vous étiez au relais ? Mais vous étiez encore humaine... C'est vous, l'ange en souffrances ? C'est vous, l'amie de Balbu ?

Coraline saisit la jeune femme par le bras. Elle avait l'air complétement paniquée - sans doute était-elle bouleversée par tous ces soudains changements. Coraline aurait bien aimé, elle, avoir été humaine un jour...

- Non, suivez-moi plutôt. Si vous me suivez, vous pourrez répondre à nos questions et Balbu sera heureux. Je ne tiens pas particulièrement à rentrer dans ce domaine ni à affronter Volpnio maintenant. Si vous me laissez faire, nous serons vite devant votre ami.

Elle regarda la nouvelle vampire avec insistance. Il fallait qu'elle lui fasse confiance. Tout serait tellement plus simple, ainsi. IL fallait faire vite, avant que Volpino ne la repère...

- Il y a plus rapide...

Coraline saisit un objet de sous sa jupe - c'était une petite fiole d'eau... Elle regarda la vampire et marqua une hésitation.

- Désolée ma belle, mais je crois que ça va piquoter pour toi...

S'il n'y avait pas eu le risque que Volpino arrivât d'un instant à l'autre, elle aurait fait autrement, mais c'était une occasion à ne pas manquer... Elle enlaça la jeune femme et fit mettre son si joli visage à l'abri dans sa poitrine comme une mère attentionnée. Elle lui fit replier ses bras entre leurs deux corps et tint fortement la jeune femme entre les siens. Puis elle jeta la fiole sur les graviers où elle se brisa. Elle entraîna la jeune vampire sur la petite flaque où elles disparurent aussitôt...

Elles se retrouvèrent dans de liquides ténèbres. Coraline, tenant toujours fermement la jeune femme entre ses bras, semblait se mouvoir avec ses jambes uniquement, comme si elle nageait... Elle avait peur - cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pris ce risque... Elle se concentra sur l'eau, son amie - amène moi près de mes amis, amène-moi près de mes amis, ne cessait-elle de se répéter mentalement...

Quelques secondes après elles se retrouvèrent dans une mare, mouillée jusqu'au cou et les cheveux pleins de boue. Coraline sentit la colère fulminer en elle... Quels étaient donc les crétins qui avaient choisi une mare à cochons pour l'attendre ! Il fallait donc TOUT leur préciser !

Elle ferma les yeux quelques secondes. Mieux valait rester digne... Et le plus important n'était-il pas d'être revenue ? Elle prit la main de la jeune femme et l'aida à remonter dignement sur la terre ferme et boueuse.

- Balbu, j'espère que je ne me suis pas trompée d'amie...

Elle hésitait à se retourner vers la vampire, ayant peur de la trouver dans un état pitoyable...