Scenario VI Introduction pour Christine et François

Christine resta perplexe quelques instants. Elle venait juste d'entendre le contraire... Mais pourquoi un employé des chemins de fer lui mentirait-il ?

Elle fit mine de faire demi-tour, mais elle se cacha dans un recoin et, dès que la voie fut de nouveau libre, elle revint à la porte et y colla son oreille.

Alors que tout revient à la normale autour d'elle, Christine se met à trembler. Le danger semblant être passé, son instinct de survie ne maintient plus ses nerfs...

Elle gifle François violemment.

- La prochaine fois que vous mettre des drogues dans votre déjeuner, prévenez-moi ! Dire que je m'inquiétais pour vous !

Puis elle fait demi-tour.

Il fallût plusieurs minutes à Christine pour réaliser que la pluie de l'extérieur ruisselait sur elle et François et qu'aucun toit ne recouvrait plus le couple.
Debout sur la plate forme de queue qui transportait parfois de larges tronçons de bois, elle tenait à peine en équilibre sur le sol en taule glissante.
De la voiture hôpital, plus aucune trace.

Sur le wagon de derrière, un contrôleur du train tentait de les héler et de leur faire signe de remonter à bord...

- Ne restez pas là nom d'un chien, c'est extrêmement dangereux !

Christine ne laissa pas passer le flot de panique qui tenta de le submerger.

Elle avait survécu à la misère, à la crasse, à la rage des amants délaissés, aux vices sadiques d'un client trop exigeant, à la lame menaçante d'un espion - ce n'était pas pour mourir maintenant.

Sans aucune honte, elle commença à se mattre à quatre pattes, et elle progressa lentement... Voyant que sa jupe l'empêchait de faire des vêtements sûrs et s'accrochait dangereusement à ses talons, elle en arracha une bonne partie, dévoilant ses jambes élégamment galbée et des bas noirs très fins, qui se déchirèrent au contact de la tôle.

Elle se mit à progresser lentement mais sûrement vers la personne qui les hélaient, en espérant qu'il ne s'agissait pas d'une autre hallucination.

L'homme la retînt par le bras et parvint à la faire monter à bord d'un mouvement brusque puis vint au secours de François.
Il referma la porte du wagon, qui n'avait rien à voir avec la voiture hôpital que Christine avait cru voir....D'ailleurs, l'homme non plus ne ressemblait pas au jeune garçon qu'elle avait vu auparavant.

- Bonté divine ! Vous êtes déments ? Que diable avez vous été faire sur cette plate forme ?

François contenait difficilement ses tremblements. La terreur, le manque, le choc accumulés mettaient son équilibre mental a rude épreuve. La gifle de Christine l'atteignit comme dans un rêve. Son esprit était encore trop lointain pour accorder de l'importance a ce genre de détail terrestre.

Il se laissa ramener a l'intérieur. Que faisaient ils ici? En effet, la question méritait probablement d'être posée. Par flash violents, les horreurs aperçues plus tôt lui revenaient. Avait-ce été un cauchemar? Un délire provoqué par la crise de manque ? Christine le foudroyait du regard. Elle sous entendait qu'il l'avait droguée? François ne se rappelait pas avoir emporté de quelconque stupéfiant avec lui.

"D'ailleurs, je donnerais volontiers une fortune pour une pipe d'opium..." songea t'il, ses nerfs encore aiguisés et lancinants par l'absence de drogue...

Soudain, il saisit Christine par les épaules et fixa son regard dans le sien :

"Etait ce une illusion ? Un cauchemar ? Avez vous vu la même chose que moi? Cet être repoussant... Le sang, partout... Le vieil homme, tombé en cendres... Heu... Votre robe est déchirée..."

Il était impensable pour Christine qu'ils aient pu avoir la même hallucination. Cela n'était pas cohérent, pas logique. Cela l'obligerait à penser qu'ils avaient été manipulés par un puissant sorcier, maître des illusions, et elle n'avait aucune raison, pour le moment, de penser cela. Elle éluda donc inconsciemment les premières questions de François et répondit :


- Oui ma jupe est déchirée. Une jupe de grand couturier. Et mes bas sont déchirés. Connaissez-vous le prix d'une paire de bas, François ? La prochaine fois que vous serez dans le pétrin, je vous laisserais vous débrouiller. L'altruisme n'est pas dans mes moyens. Si je dois perdre un de mes atours à chaque fois que je m'occuper de votre cas, vous finirez par ruiner mon commerce...

Cela dit, elle lui tourna le dos pour retourner dans leur cabine où elle se changea - qu'il soit là ou pas, que la grand-mère soit éveillée ou pas.

Ignorant l'employé de train qui protestait, François suivit machinalement Christine vers le compartiment. Il entra a sa suite et déclara sa pensée :

" Vous ne semblez pas si surprise de ce qui vient d'arriver... Êtes vous familiarisée avec les évènements d'ordre... paranormal ?"

Ce n'est qu'alors qu'il s'aperçut qu'il la surprenait en plein effeuillage. Il se retourna en bredouillant un mot d'excuse :

" Veuillez... Hem, m'excuser, je n'avais pas réalisé que ... Enfin, je n'ai rien vu... Enfin rien de... Bref. Je suis navré pour votre robe et vos bas, tous deux ravissants au demeurant... Heu par tous deux, je veux dire, la robe ET les bas... Enfin, vous n'aurez qu'a m'adresser la facture. Notre compagne de voyage semble dormir profondément. Tout le monde ne passe pas un voyage aussi mouvementé que le nôtre."

Se moquant bien des regards qui pouvaient courir sur elle, Christine se changea en quelques minutes à peine, tout en répondant à François :

- Il y a des chances, en effet, que je vous envoie la facture. Il faut que vous m'expliquiez exactement ce qui ne tourne pas rond chez vous, François. Vous courez comme si le diable vous poursuivait, vous me droguez à mon insu.. J'ai failli me rompre le cou à cause de vos histoires ! J'aimerais aussi des excuses.

Pourtant, au même moment où elle disait cela, Christine se sentait de moins en moins convaincue de ses propos. Le jeune homme avait parlé d'expérience surnaturelle... Et si, pour la première fois, elle avait fait la rencontre de la démonstrations d'autres pouvoirs que les siens ? L'idée, lentement, commençait à se frayer un chemin jusqu'à son cerveau peu convaincu, lui laissant des frissons de sueurs froides.

François, déconfit de constater son erreur sur la personne, jeta un regard dédaigneux a l'homme qui ronflait déja d'un sommeil ethylisé. Il se laissa choir sur sa banquette et se tourna vers Christine :

"Si ce sont des excuses que vous désirez, je vous présente toutes les miennes et le plus platement qu'il se peut. Cependant, vous m'accablez d'un procès injuste : je vous jure sur mon nom que je ne vous ai pas droguée. Si une substance hallucinogène s'est retrouvée dans mes vivres, ce dont je doute fort, c'est tout a fait a mon insu. Quant a ma course subite vers les compartiments de seconde classe, c'est une regrettable méprise : j'ai confondu l'homme ici présent avec... Avec quelqu'un d'autre. Je suis navré de la confusion qui en a découlé. Je crains d'avoir certaine prédisposition a m'attirer des ennuis. Je ne souffrirais pas de vous en apporter également, aussi ne prenez plus de risques pour moi, Je ne voudrais pas qu'il vous arrive malheur..."
Puis, ajoutant en esquissant un faiblre sourire :
"Et je ne voudrais pas non plus dépenser toute la fortune de mon père en vêtements a la mode..."

- En effet, cela serait bien dommage... Il est tant de jeunes hommes qui dépensent beaucoup trop pour les femmes, c'est un véritable scandale, dit Christine, sarcatisque.

Cependant, ses pensées filaient à vive allure et elle triturait les broderies de sa robe nerveusement.

Il lui fallait se résigner... Il n'y avait pas d'explication purement rationnelle à ce qui venait de se passer. Du moins... Pas rationnelle pour la plupart des êtres humains. Il lui fallait puiser dans sa propre conception de la raison - qui incluait la magie. Mais dans quelle mesure pouvait-elle en parler au jeune homme ? Celui-ci avait dit qu'il était persuadé qu'il s'agissait d'un phénomène surnaturel... Mais elle n'avait jamais parlé magie avec personne, en dehors des libraires chez qui elle avait constitué sa bibliothèque ésotérique... Le meiux était de le laisser parler en premier.

- Admettons que je n'ai pas été droguée. Comment expliquez-vous donc le fait que nous ayons eu tous les deux des hallucinations ?

"Peut être ne s'agissait il pas d'une hallucination ? Il m'a été donné d'assister a de bien étranges évènements récemment. Mes repères m'échappent, je ne sais plus en quoi me fier... Je suis tenu de considérer comme envisageable ce qui me semblait catégoriquement impossible il y a peu."

Il marqua une pause et se massa les tempes.

"Des êtres hors du commun nous cotoient, chaque jour, chaque nuit... Des êtres dont l'existence était relegué aux contes de fées et aux légendes de bonnes femmes.... Partout..."

Des souvenirs pénibles refirent aussitot surface et il dut secouer la tête pour en chasser ces images... Il ne parlait plus, il marmonnait, s'addressant a lui même...

"Elle... Il faut... faire payer ses bourreaux... Savoir qui elle était/..."

*Des êtres hors du commun ? Où ce jeune homme est fou, où il a eu accès à des informations que je ne pouvais même pas imaginer... Et si j'aavis été sotte de considérer le monde réel comme la norme, et la magie comme une aberration exploitable ? En ce cas il y aurait beaucoup à faire... Des possibilités inimaginables s'ouvriront à moi...*

Soudain avide, la jeune femme se pencha vers François, comme accrochée à ses lèvres :

- Quelles créatures ? Dites-m'en plus !

Absent, Valentin balançait la tête machinalement de droite a gauche. Il semblait a peine entendre son intelocutrice :



" Il y avait... La femme de brume... La femme de brume... Vampire, oui... Vampire ... "Nosferatu"... Le musicien... Lui non plus n'était pas ... Il n'était pas humain... L"Asiatique ; un être d'eau... Puis soudain le feu, l'incendie... Aucun humain, non... Et moi ? Suis je seulement humain ? Je le croyais jusqu'a present... Mais je croyais tant de chose jusqu'a présent... Le vrai ? Le faux.. ? ... Perdu...

Christine ne put s'empêcher de faire la moue. Il était fou. Rien de plus... Quel dommage ! Pourtant, il y avait eu cette aberration spatiale... L'aurait-elle rêvé ? Elle était sans doute trop fatiguée, la lecture de Balzac était quelque peu assomante.

Elle toussota, espérant retrouver l'attention de son interlocuteur. La drogue causait vraiment des dommages irréparables. Ca, et la trop grande lecture de poésies.

[hrp : tu as retrouvé ta connexion internet ?]

François sursauta, mit quelques instants avant de se rappeler où il se trouvait. Il ressentait de plus en plus fréquemment ces absences depuis que la mystérieuse vampire du Dragon de Jade l'avait blessé.

"Heu ? ... Veuillez m'excuser, je crains de m'égarer quelque peu dans mes rêveries... Le manque de sommeil, les émotions, le ..."

Il avait bien failli parler du manque d'opium, mais ne tenait pas a faire étal de son vice. Inutile d'alarmer encore plus cette charmante personne qui devait de plus en plus se méfier de lui... Il adressa a Christine un sourire qui se voulait rassurant mais qui ne put dissimuler une grande lassitude et rectifia sa fin de phrase :

"... Le voyage. Les voyages en train m'éprouvent toujours beaucoups : toutes ces vibrations ! J'ai hate d'arriver a destination, pour arpenter des rues au sol bien immobile. Et je connais de réputation un ou deux établissement où nous pourrons nous restaurer, et où vous devriez pouvoir loger en tout confort. La table alsacienne est, parait il, riche et savoureuse, et leur vignobles réputés. Mais leur patois est insupportable, pour le peu que j'ai pu en entendre..."

[hrp : hé bien... Oui... Et non. Disons simplement que j'ai actuellement accès au Net. Mais pour combien de temps, je l'ignore. Tout dépend de mon cher voisin]

Si Christine avait eu l'impression que son interlocuteur ne disait pas tout, elle n'en laissa rien paraître. Elle se contenta d'hocher la tête et de dire :

- Bien, reposons-nous, alors. Nous avons eu une nuit éprouvante la veille, et celle-ci est à peine mieux...

Se disant, elle s'aperçut qu'elle n'avait pas pris d'oreiller, jura contre elle-même et s'installa du mieux qu'elle pouvait pour éviter de se réveiller avec de la bave sur le menton et la nuque raide.

François Valentin chassa de son esprit toute pensée en rapport avec la femme de brume et l'oeil obscur, et perdit son regard dans le paysage défilant par la fenêtre. Le train traversait une région presque sauvage : les cultures s'y faisaient rares et des bois sombres et fournis recouvraient des collines accidentées, au détour desquelles surgissait parfois une cabane de bûcheron isolée ou une bicoque d'un autre age abandonnée a la ruine et aux plantes envahissantes. Un ronflement sonore le tira de sa rêverie. L'homme au haut de forme grogna quelques borborygmes inepte dans son sommeil et remua sur sa banquette mais ne s'éveilla pas pour autant. François constata alors que Christine dormait dans une position plutot inconfortable. La douleur lancinante du manque, bien que diminuant légèrement, l'empêchant lui même de fermer l'oeil, il enleva son manteau, le roula en boule et le glissa délicatement sous la tête de l'assoupie. Il la considéra un instant, et s'étonna lui même de n'avoir pas plus tôt remarqué toute sa beauté. Elle jusqu'alors confiante et determinée paraissait bien vulnérable, endormie sur la banquette tremblante de ce train de nuit.
L'arrachant a sa contemplation, le mal d'opium regagna en intensité. La crampe d'estomac revint brutalement. François savait que les paliers se succederaient ainsi encore plusieurs heures, entre pics et accalmies. Il ne pouvait que prendre son mal en patience et esperer sombrer dans la torpeur, à défaut de sommeil.
Il se leva en grimaçant et décida de fumer une cigarette. Pour ne pas incommoder Christine, il alla fumer dans le couloir, mais n'accordant pas toute sa confiance à l'ivrogne au haut de forme, il laissa la porte ouverte, afin de garder un oeil sur lui.
La route serait bien longue jusqu'à Strasbourg...

Dans son sommeil, Christine sentit quelque chose de confortable soulager sa nuque. Les yeux fermés, elle murmura un "merci" bien que rien en elle suggéra qu'elle s'était éveillée. Son sommeil semblait tantôt calme, tantôt agité, mais visiblement profond.

François revint s'asseoir auprès de Christine après un temps indéfinissable. La douleur lancinante se calmait peu a peu et il se sentait somnolent. Il garda un oeil sur l'ivrogne, mais celui ci ne présentant aucun signe menaçant, le dandy finit par sombrer dans un demi sommeil fievreux et encore marqué des reminicentes images de son cauchemar éveillé.

- Strasbourg ! Strasbourg terminus ! hurla le chef de gare sur le quai, réveillant en sursaut le couple, laissé seuls dans le wagon prestement déserté de ses habitants...Courbaturé mais plus frais que la veille au soir, les deux jeunes gens étaient désormais libres de visiter la plus grande ville d'Alsace et de partir à la recherche de ce qu'ils étaient venus trouver

Me réveillant en sursaut, mon premier reflexe est d'admirer dans ma vitre mon reflet, remettant une mèche de cheveu et frottant un pli sur ma joue.

Je regarde sur quoi j'ai dormi et vois la veste du jeune homme, tombée à terre. Je la ramasse, la défroisse et la tend avec un sourire mal révéillé :

- Merci beaucoup...

Jetant un coup d'oeil, je vois que Julian a déjà déchargé mes malles. Quel dommage que je n'ai pu emmené Suzanne aussi ! Elle m'aurait trouvé un hôtel en deux temps, trois mouvements... Il y a toujours des hôtels prêts des gares, mais en général ils ne sont pas très bien famés...

Tout en sortant dans le couloir, je me tourne vers Valentin :

- Ma priorité sera de trouver un hôtel. Vous m'avez dit que vous logeriez chez un ami à votre père... Vous n'aurez qu'à aller le voir en attendant. Si, en même temps, vous pouviez trouver des informations sur Eggman... De mon côté je vais écouter les rumeurs - l'avantage des hôtels... entre étrangers on parle facilement, et l'hôtel est rempli des gens de cette sorte ! Donnons-nous rendez-vous dans deux heures devant la gare ?

François s'essuya un filet de bave qui lui coulait sur le menton et posa des yeux rougis de fatigue sur la veste que lui tendait Christine. Il toussa, s'éclaircit la gorge et répondit :

"Entendu... Je suggère que nous nous retrouvions devant la cathédrale, que ni vous ni moi n'aurons de mal a trouver. Soyez prudente, les étrangers sont mal vus ici, en ce moment..."

François sortit du wagon et sauta sur le quai de la gare de Strasbourg.
Un peu dérouté dans un premier temps, il décida simplement de suivre la foule des voyageurs qui se dirigeaient vers la sortie, certains de trouver un fiacre sans mal a l'extérieur.