[Scenario V] La Briqueterie Sainte Laurence

Un soupir de soulagement sortit de la bouche de Gabriel qui n'en restait pas moins concentré, Von Eggman était quelqu'un de puissant et rien ne dit que ses sbires ne sont pas déjà en train de préparer un piège. Laissant Solange au soin de Cassandre, sans pour autant arrêter de la surveiller, il prit un peu d'avance et chercha un fiacre.

"Je vous propose que nous allions chez vous, si Von Eggman a appris que ses hommes sont morts, il y a de fortes chances qu'il m'ait laissé un comité d'accueil ..."

Un petit vertige le prit le forçant à s'appuyer contre un mur

"... je pense qu'un médecin ne serait pas superflu"

Cassandre aida chacun de ses compagnons à monter dans le fiacre.

- Cocher, menez-nous rue Mouffetard, ordonna-t-elle sans attendre plus de questions. Le regard que l'homme portait sur l'étrange équipée était empli de suspiscions. Un billet de dix francs bienvenu dissipa ses inquiétudes.

Une fois installée, Cassandre avisa la petite troupe qui l'entourait. La mine cernée, les traits tirés par la fatigue et l'angoisse, les vêtements déchirés et crasseux, il lui semblait qu'aucun d'eux ne serait plus jamais comme avant : Gwendaël avait un regard sombre et pensif que Cassandre ne lui avait pas connu auparavant, Lucien semblait perdu dans de noirs souvenirs douloureux, Gabriel s'éfforçait de masquer les grimaces de douleur que lui infligeait sa blessure. Quant à Solange, son regard éteint n'exprimait plus rien du tout.

Reprenant ses esprits, Cassandre se força à des réflexions plus terre à terre : ils étaient cinq, la librairie n'offrait que trois couches d'un confort modeste. Le constat était évident, tout le monde ne pourrait pas se reposer à la librairie.

S'adressant à nouveau au cocher par la petite lucarne:
- Faites un détour par la Place de la Contrescarpe, s'il vous plaît.
Il y a là-bas notre médecin de famille, ajouta-t-elle à l'adresse de Lucien et Gabriel. C'est un homme bon et discret qui s'est lié d'amitié avec mon oncle. Il devrait accepter de vous soigner et vous laisser prendre quelques heures de repos sans poser trop de questions. Vous nous rejoindrez ensuite à la librairie, elle est à deux pas.

Le fiacre filait à toute allure dans les rues de Paris...

Comme convenu, le fiacre s'arrêta du coté de la Contrescarpe alors que le petit matin se levait...
La demeure du Docteur Mauroy s'éveillait à peine, tandis que le premier domestique sortait dans la grisaille pour aller chercher le pain du matin, en se frictionnant les épaules.
En sonnant à la porte, une gouvernante ensommeillé ouvrit au groupe dépenaillé en faisant une mine légèrement dégouté

- Oui ?

- Bonjour Madame, je me nomme Cassandre Desaubry. Mon oncle Alfred tient la librairie plus bas dans la rue Mouffetard. C'est un ami de votre maître...
Voilà, nous avons eu maille à partir avec des ruffians et nous sommes dans une situation délicate comme vous pouvez le constater... Ces messieurs qui ont pris notre défense, Gabriel Debrail et Lucien Bonnaire, ont été blessés dans la rixe. J'ai pensé, enfin... le Docteur Mauroy, qui est si gentil pourra certainement les aider ?

La gouvernante disparu avant d'inviter le petit groupe à rentrer.
Le docteur Mauroy, en robe de chambre, les favoris poivre et sel impeccablement taillés, levant un oeil fatigué mais étonné sur la petite troupe...

- Nom d'un chien mais qu'est ce qui vous est arrivé ? Berthe, servez un cordial à nos amis, vous l'apporterez dans mon cabinet.

Sans dire un mot de plus, il les conduisit dans la petite chambre, meublé d'un magnifique bureau en acajou et d'une chaise-lit relevé.

- Par lequel d'entre vous commençons nous ?

Gabriel fut gêné tout d'abord d'être dans la même salle que Lucien pour une raison assez étrange. Il montra alors une certaine réserve :

"Occupez vous de lui en premier. Je peux attendre"

Le médecin examina les plaies de Lucien qu'il nettoya à l'aide d'un coton imbibé d'ether

- Et bien, mon vieux, vous l'avez échappé belle, parce que ce n'est pas bien beau à voir...Vous avez le signalement de ces brigands ? La Sûreté devrait faire quelque chose tout de même, ces agressions deviennent de plus en plus fréquentes...
Entourant les plaies suturées d'une gaze, il se retourna d'un air satisfait vers son patient

- Propre comme un sou neuf.... A qui le tour ?

Pendant ce temps, la gouvernante, arrivant avec les remontant croisa Gwendael, prostré sur sa chaise ?

- Vous avez froid mademoiselle ? Je vous apporte une couverture...Et regardez moi ça ! Vous êtes trempée ! Je vais vous apporter du linge chaud...

Aussitôt après avoir apporté les verres d'eau de vie et demandé la permission à son employeur elle se mit en quête de couvertures chaudes, dont elle recouvrit la jeune femme

- Patientez dans la cuisine, près du poëlle, le temps que Raymond fasse le feu dans le salon...

C'était l'heure de vérité, Gabriel alla voir le médecin et vérifia que personne ne le regardait. Avant de retirer sa veste et de dire au docteur

"Je souhaiterai que ce que vous verrez reste entre vous et moi. Pas de question"

Puis il se laissa soigner

Le médecin fût choquée de prime abord, puis haussa les épaules...

- A votre guise....

L'opération fût relativement douloureuse, car la balle s'était écrasée dans la plaie mais n'avait fort heureusement causé aucun dégât irrécupérable.
Le médecin se lava les mains dans la bassine et laissa tremper dans l'alcool ces outils sanglants

- Écoutez, je ne veux pas savoir ce qui s'est réellement passé, mais j'ai comme l'impression que cette histoire de brigand n'est que la surface de l'eau....Tâchez d'éviter de vous mettre dans un pétrin pareil et confiez vous à la Sûreté, ça vaudra mieux...
Quand à votre "petit secret", je vous avoue que j'aurais tendance à réprouver ce genre de comportement, mais j'imagine que vous n'en ferez de toute façon qu'à votre tête...

Gabriel répond au médecin :

"Merci docteur. Pour le petit secret, ce n'est pas de gaité de coeur, mais nous avons tous nos obligations"

Passant sa veste vaguement sur ses épaules, il rejoignit Cassandre, Gwendael et Solange. Un instant, elle semblait être une jeune fille normale. Si Cassandre avait raison, Von Eggman l'avait aliéné, un acte impardonnable. Heureusement, il n'avait reçu qu'une seule cargaison d'arme.

Voyant que la bibliothécaire était totalement exténuée, il lui dit :

"Vous avez surement besoin de dormir et cet endroit n'est pas sûre. Votre magasin est il protégé ?"

- Qu'entendez-vous par 'protégé', Gabriel ? Certes je tiens une librairie près d'ici, qui ferme à clef avec des volets de bois pour la nuit. Mais rien de cela ne saurait arrêter le genre de choses que nous avons vu cette nuit, glissa Cassandre à l'oreille de Gabriel.

- Mais bon, voilà que je deviens cynique...la fatigue sans doute, voir mes nouvelles fréquentations. Cassandre souriait malgré tout, l'air désabusé. En fait, je loge dans les combles aménagés au-dessus de la boutique, et j'y ai là un bon poêle. Allons-y si vous le voulez, nous pourrons discuter avec Gwendaël et Solange, et voir de la suite à donner à cette sinistre affaire.

Sur ces mots, Cassandre se leva, alla remercier chaleureusement le médecin pour ses soins et Berthe pour la gentillesse de son accueil. Les frais pourraient être envoyés à la librairie, Cassandre s'engageant à les règler au plus tôt.

La brume matinale s'était levée lorsque le petit groupe ressortit sur la Contrescarpe, et commença à s'engager dans la rue Mouffetard qui s'éveillait.

Vérifiant que ses armes étaient bien là, Gabriel se prépara à partir.

"Nous devrions passer par chez moi pour prendre du matériel. Ainsi nous pourrons sécuriser votre demeure contre les ... choses que nous avons vu"

- Je n'ai plus le coeur à battre le pavé Gabriel, la nuit a déjà été bien trop longue à mon goût.... A moins que vous n'habitiez tout près, je préfèrerais rentrer à la boutique, me changer surtout, m'occuper de Solange et prendre du repos... Mais vous pourrez nous y rejoindre dès que vous serez prêt, le magasin s'appelle l'Escarboucle. Cela dit je mesure l'impérieuse nécessité d'avoir les armes adéquates pour lutter contre ces créatures infernales. Si par chance vous aviez quelque chose pour moi ...

Gabriel tend la winchester :

"C'est un fusil Winchester avec système de rechargement breveté. Il y a 7 balles runique à l'intérieur, c'est très chiant à fabriquez alors visez bien"

Puis il lui tend une fiole

"Ca c'est de l'eau bénite. La plupart des créatures y sont sensible. Si c'est pas le cas de celle ci ... courez"

Il ouvrit la porte en s'apprêtant à partir.

"Je tacherai d'être rapide mais organisez des tours de gardes pour la surveiller. Si Solange n'arrive pas à maitriser cette chose, éveillée elle risque d'être dangereuse pendant son sommeil"

- Merci, sincèrement, pour tout ce que vous faites...

- nous vous attendons au plus tôt.
Les paroles de Gabriel avaient fait réapparaître des signes d'inquiétude sur le visage de Cassandre. Elle prit l'arme et la fiole tendue et emboita le pas aux autres membres du petit groupe, les dirigeant prestement vers l'Escarboucle.

Son regard se posait fréquemment sur Solange. Etrange sentiment que d'imaginer cette fragile jeune femme associée à une créature sombre comme les enfers .

C'est une odeur familière et rassurante de vieux cuir qui accueillit la petite troupe à l'entrée dans la librairie. Le temps de ranger machinalement quelques affaires qui trainaient ça et là et de faire chauffer un bon chocolat, et voilà les trois jeunes femmes qui se retrouvaient dans l'arrière boutique autour de bols fumants et de quelques tartines : Cassandre avait plusieurs fois rêvé de ce moment sur le chemin retour de la Briqueterie.

- Oh Dieu quel bonheur de se retrouver enfin ici! Comment vous sentez-vous Solange et Gwendaël? Vous pourrez monter à l'étage vous débarbouiller et vous changer lorsque vous le souhaiterez, proposa amicalement Cassandre à ses compagnes, j'y ai une chambre sous les combles, rajouta t-elle à l'adresse de Solange.

Cassandre espérait que, maintenant qu'elles étaient en sécurité, Solange allait leur en dire plus sur ses déboires et sa malheureuse histoire; s'il n'était plus déjà temps de sauver les patrons du Cléonte, peut être que les confidences de Solange leur permettraient d'éviter de nouveaux drames.

<Cassandre essaye de sympathiser avec Solange afin de l'amener à se confier>

L'ambiance écrasante venait de retomber brusquement.
Dehors, les galops réguliers des chevaux et le bruits des charettes sur les pavés parisiens, les cris des marchands de charbon et l'animation de la rue redonnait le rythme régulier de la vie quotidienne qui prenait le pas sur les terribles évènements de la veille...
L'esprit de Gwendael s'apaisa, et le sifflement se tût complètement, laissant un silence reposant dans le crâne de la jeune femme.

Solange avait repris des couleurs, elle tourna timidement la tête vers Cassandre et parvint à articuler un "merci" de reconnaissance.
Un climat de confiance s'était établi entre les trois femmes...

- Pourquoi...Pourquoi me suiviez vous ? demanda Solange, après un long silence...

[Ben tu es revenu chez toi, on va dire....Pas de trace de passage...L'intérieur est clean]

Au alentour de 4h de matin, Gabriel arrive, légèrement exténué et surtout assez usée par la soirée ... et la balle dans le bras. A son épaule, une sacoche lourde d'un livre assez ancien mais tout de même très bien conservé. Toquant à la porte de la boutique, il patiente pour qu'on vienne lui ouvrir, la main toujours posée sur la garde de sa dague

[Est ce que vous faîtes quelque chose de votre journée ?]