Scenario VI Introduction pour Christine et François

Je réponds, souriante :

- Vous connaissez la ville ? J'avoue ne pas la connaître du tout, et je suis fort curieuse de la connaître ! Vous pourriez peut-être m'indiquer des endroits jolis à voir ?

- C'est une excellente initiative ! Rares sont les jeunes qui arrivent à faire leur preuve par leur propres moyens, de nos jours...Combien y'en a t-il qui dilapident aveuglément l'argent de leurs parents dans des lieux de perdition, pour des sottises ! La poésie, la belle vie....Mais cela donnera une génération de Jean Foutre !
Enfin, heureusement que nous avons encore des jeunes gens de votre étoffe Felix...
Mais dites moi, peut-être que je pourrais vous aider...Comment m'aviez vous dit qu'il s'appelle cet homme ? J'ai suffisamment de relation à Strasbourg pour avoir une chance de le connaître .

Christine

- Ma foi, il y a bien la cathédrale, qui est immense ! Les têtes de toutes l'Europe s'y pressent pour marquer leur nom au sommet. Mais c'est une sacrée montée ! Il y a aussi le palais du Rohan et les bords du Rhin et de l'Ill...Mais tout dépend de ce que vous aimez.

- Moi par exemple, je ne supporte plus la campagne ajouta la cadette et cette langue ! Mon dieu cette langue ! Quelle est affreuse !

- J'avoue préférer la ville aussi...

Christine fait la moue :

- Mais pour ma part, bien que je ne trouve guère cette langue et cet accent des plus fins, j'avoue que j'aurais plaisir de la connaître. Je ne connais personne ici, et il ne me sera pas facile de faire des rencontres si je ne parle pas la langue. Nous sommes ici en France, et pourtant j'ai l'impression d'avoir changé de pays ! Et il va me falloir trouver un professeur...

Elle cherche un moyen de plaire aux deux filles, mais plus par habitude que par réelle nécessité - ne voyant pas très bien comment elle pourrait trouver partie de ces deux oies blanches. Les avoir comme interprète serait davantage une contrainte dans son enquête qu'une aide réelle...

- C'est bien vrai, mais savez vous, à part les paysans, la majorité des gens d'ici parle un français correct, ils ne font tout simplement pas l'effort de l'employer...Par fierté ou je ne sais quoi...

La conversation s'éternisait pour Christine, qui voyait bien qu'elle ne pouvait rien tirer d'intéressant de ces jeunes filles, semblables à tant d'autres...

MONSIEUR, JE VOUS PRIERAIS DE BIEN VOULOIR SORTIR !

- Inutile...Inutile...Je tenais juste à avertir une dame du danger qu'elle court en flirtant avec l'inconnu et lui dire que la cathédrale est un refuge sûr...Le seul, en réalité...

Le bruit, venant de la réception s'accompagna de l'expulsion d'un homme, manu militari, par deux grooms à forte corpulence.
Christine ne pût qu'entendre le bruit de la chute, puis de l'homme qui se relevait et s'éloignait...Un bruit cliquetant d'une canne frappant le sol l'accompagnait...

- Pff, il y a des gens vraiment fous sur cette pauvre terre ! Enfin... Merci en tout cas de cette discussion, je vous souhaite un bon séjour !

Disant cela, je me dirige vers le buffet - quelles dindes ! Pourtant, Christine reste mal à l'aise. Dans le bruit de la canne il y a comme un écho familier... Soudain, elle se rappelle : c'est un boiteux que Valentin avait poursuivi ! Coïncidence ? Son instinct lui disait que non... Elle s'empressa de terminer son déjeuner pour ne pas attirer l'attention. Elle regarda l'horrible pendule à coucou accrochée au mur. 13 heures. Elle avait encore une heure devant elle...

Elle décida d'aller visiter la cathédrale en attendant l'heure du rendez-vous. Peut-être y trouverait-elle quelque chose... ou quelqu'un.

François ouvrit la bouche pour protester mais se ravisa et renonça a rectifier son nom. Autant capituler que de s'engager dans une vaine bataille, disait une fable.

"Notre homme serait historien, spécialiste en objets d'art ancien. Un certain monsieur Eggmann. Ce n'est pas le patronyme le plus courant dans la région, pour autant que je sache. Ce nom vous est il familier ?"

La cathédrale avait une imposante allure, presque menaçante, à l'égard d'un spectateur l'observant d'en bas...Ses tours parées de motifs complexes évoquaient à Christine des dizaines de démons, sortant d'un pic hérissé de de pointes. Un frisson la parcourut un instant, étrange et malsain...Un mauvais pressentiment.
Au pied de la première porte du bâtiment, une fillette, en harde, une casquette de toile à ses pieds, la fixait ardemment.

François

- Ha, là, mon petit Philippe, vous tapez dans l'original...Je peux vous le dire...
Le père Eggman, ce n'est pas un zigue comme un autre...Un fantasque, un collectionneur...Au demeurant intéressant, même s'il est parfois très pête-sec, c'est une sommité ici...Je crois qu'il s'intéresse au Moyen-Âge ou à l'Antiquité...Enfin il donnait des cours...
Il habite place Broglie je crois, dans un hôtel particulier où il reçoit du beau monde...

Génée par l'étrangeté malsaine du lieu et le regard insistant de la fillette, Christine donne une pièce à cette dernière avant de partir.

*Un vieux fou... Ce n'est qu'un vieux fou... Et moi je suis folle de l'avoir écouté !*

Ravi d'obtenir des résultats si promptement, François décida de faire preuve d'initiative et de noter les renseignements dans son journal. Il palpa ses poches et se rappela qu'il l'avait oublié sur sa table de chevet a Paris.
"-Bien..." pensa t'il en sentant l'irritation le prendre.

Il fit mine de se recoiffer pour masquer son air déconfit.

"-Place Broglie, dites vous? J'irais jeter un oeil tout a l'heure. A quel numéro est ce ?"

Christine

- Quitte....Cette....Ville....

L'image mentale de la petite fille fixant Christine ne lui quittait pas l'esprit...
La pièce tomba sur le sol, heurtant le pavé, tandis que la voix de la fillette résonnait dans la tête de la jeune parisienne.

- Attention mademoiselle ! hurla un jeune homme qui attrapa Christine par le bras...Les chevaux du coche qui traversait la rue à ce moment précis hénnirent et passèrent à quelques centimètre du visage de la jeune femme.
L'homme eût un geste poli à l'égard de Christine puis se glissa dans la foule, qui reprit son rythme, laissant le coeur de la précieuse battre la chamade

François

L'homme secoua la tête et leva sa pipe

- Ma foi, je n'en sais rien, je n'ai pas le cadastre de la ville en tête, Firmin....Mais demandez là bas, on le sait surement...C'est un vieil hotel je crois, l'un des seul ancien qui reste de la place...Vous nous quittez déjà ?

La peur.... la peur fait battre la chamade à son coeur.

Mais elle ne cédera pas. Des menaces, elle en a déjà eu. Un canon de pistolet braqué sur son coeur par un amant jaloux, elle a déjà eu.

Ils veulent la tuer ? Très bien, elle ne sortira plus sans son garde du corps.

Elle regarde la fillette d'un regard de glace et rentre à l'hôtel pour aller chercher Julian. Puis elle file au rendez-vous avec François Valentin.

"Oui, je dois commencer mes recherches sur le champs. Vous comprenez : le cabinet qui m'emploie ne saurait tolérer que son commis profite d'une mission pour faire du tourisme. Je laisse donc mes affaires ici et reviendrais en fin de journée."

Il allait prendre congé de son hôte lorsqu'il s'arrêta :

"Oh... Heu. Désolé d'abuser de votre bonté, mais... Auriez vous un manteau a me prêter ? Je ne pense pas que le mien soit déjà remis a neuf..."

Le dandy sortit donc de la demeure et s'orienta vers la Place Broglie, demandant son chemin aux habitants vacants a leurs tâche, récoltant de drôles de regards sur la veste visiblement trop ample qu'il portait sur le dos. Se rappelant soudain son rendez vous avec Christine, il voulut consulter sa montre a gousset, pour s'apercevoir qu'il l'avait oubliée dans sa redingote. Il ne s'en étonna même plus.

Il avisa la pointe de la cathédrale et dirigea ses pas vers elle, les cloches séculières sonnant la demie, lui indiquant qu'il était déjà en retard de plus de vingt minutes...

5 minutes... 10 minutes... 15 minutes... Lui aussi aurait-il couru des dangers ? En même temps, il était toujours en retard...

Christine attendait ainsi, oscillant entre agacement et inquiétude... Quand elle vit apparaître le jeune homme sur la place, avec une veste trop grande mais visiblement en bonne santé, elle opta pour l'agacement et feignit de ne pas voir arriver le jeune homme.

Un peu désorienté, François tourna plusieurs fois sur lui même avant d'apercevoir Christine. Il vint vers elle et manqua de s'étaler en se prenant le pied dans un pavé saillant. Puis il la salua aussi distinctement que le permettaient son arrivée tardive, sa presque-chute et le manteau dont les manches ne laissaient dépasser que ses ongles.

"Vous voici ! Je suis navré pour le retard, vraiment. J'ai rencontré l'ami de mon père qui m'a révélé quelques pistes au sujet d'Eggmann. Il loge a la Place Broglie, a deux pas d'ici. Quel édifice impressionnant, n'est ce pas ? Notre Dame de Paris semble bien modeste en comparaison... Ce n'est pas mon manteau. C'est un emprunt. Un prêt. Avez vous déjà déjeuné? "

- Oui j'ai déjà mangé et il eût mieux valu que vous vous achetiez un manteau, vous faîtes bien dépareillé ainsi ! dit-elle en regardant François de haut en bas.

Puis elle soupire et soudain ses traits prennent un pli soucieux :

- Il se passe des choses étranges ici, Monsieur Valentin... Des choses imperceptibles... Un homme avec une canne qui profère des menaces, une petite fille qui lit dans les pensées... Nous ne sommes pas les bienvenus ici, et j'ai peur...

Elle plonge son regard dans celui du jeune dandy, quémandant une parole rassurante. Pour la première fois, la jeune femme perd de sa superbe...

Oubliant toute étiquette, François saisit Christine par les épaules :

"Un homme avec une canne, dites vous ? Un aveugle ?? Où ça ? Quand? Qu'a t'il dit ?..."

Puis, s'apercevant de son emportement, il relâcha la jeune femme et reprit plus calmement :

"En vérité je ne suis pas très étonné de l'entendre... Je n'ai donc pas souffert d'hallucinations. S'il s'agit bien de l'homme auquel je pense, cela confirmerait mes doutes. Nous sommes sur la bonne piste, j'en suis sûr. Quand a cette enfant dont vous parlez, peut être y attachez vous trop d'importance : les habitants du cru redoutent les étrangers en ce moment. Et les enfants répètent les craintes de leurs parents..."

Ce disant, il offrit son bras a Christine et l'éloigna tranquillement de la cathédrale menaçante vers les rues avoisinantes.

"... Tenez, par exemple; la raison qui m'a poussé a troquer ma redingote contre cette veste trop grande vous amusera sans doute : ce sont des bambins qui m'ont bombardé d'argile en me traitant d'un nom de spécialité locale... Enfin je crois, je ne suis pas sûr de ce dernier détail. En parlant de spécialité locale, que diriez vous d'aller nous asseoir quelques instants dans une brasserie des environs ? Vous me semblez toute chamboulée... Nous irons nous intéresser a la place Broglie plus tard."

Encore dans son trouble, elle murmure :

- Non, cette enfant était... différente. C'était comme si elle était entrée dans mon esprit. C'était... terrifiant.

Puis elle se ressaisit, prend le bras du jeune homme pour se laisser guider :

- Mais cela ne se peut, bien sûr. Je dois être trop fatiguée. Quant aux vilains garnements qui vous ont fait ça, ils auraient mérité de bons coups de bâtons ! La place Broglie ? Pourquoi la place Broglie ?

"D'après Monsieur Richert, l'ami de mon père a qui je rendais visite, Eggmann vivrait dans un hôtel particulier situé sur cette place. D'après ses dires, la demeure serait assez ancienne et facilement identifiable. Je pensais flâner dans les environs, en simples touristes, pour repérer le bâtiment. Je ne sais pas encore vraiment quelle stratégie adopter ensuite, mais nous disposerions ainsi d'un premier renseignement... Mais nous pouvons remettre cela a plus tard, si vous le souhaitez."

Christine regarde la place vide, soudain prise par un vent de panique qu'elle éteind aussitôt. Elle doit être trop fatiguée. Depuis la panique de la maison en flamme, elle n'a pas vraiment récupéré son aplomb habituel. Mais le tout est - comme toujours - de faire semblant. Elle regarde François avec un grand sourire :

- Commençons par boire un verre et manger un petit quelque chose, vous avez bien raison. Nous épierons bien moins la maison de M. Eggman le ventre creux !

Percevant un trouble chez Christine, François se retourna et balaya la place du regard. Une présence malsaine imprégnait les lieux, il en aurait mis sa main au feu. Passant au large de la place Broglie, il la conduisit jusqu'à un établissement qui lui avait été recommandé, la Brasserie de l'Espérance.
Il poussa la porte de la taverne et sentit aussitôt son inquiétude s'envoler. L'ambiance chaleureuse de l'endroit ne laissait rien entrevoir de l'atmosphère tendue de la ville. Traversant les volutes de fumée, les odeurs de cuisine a l'oignon et aux lardons au milieu du joyeux brouhaha de voix et de rires insouciants, il leur fraya un chemin jusqu'à une table en coin bordée de bancs capitonnés et s'y laissa tomber.

"Je crois que je vais me laisser tenter par une chope de bière accompagnée d'une tarte flambée : celles de l'établissement sont très réputées. C'est un plat qui manque de raffinement mais opère comme un baume au coeur, a ce qu'on dit... Hé bien, Christine, cette apparition vous a t'elle coupé l'appétit ?"

Bien que rassénérée par l'ambiance plus conviviale, Christine a du mal à retrouver mon assiette - tant au sens propre qu'au figuré.

- J'avoue...

*Tout se passe à cause de lui. C'est depuis que je l'ai rencontré...*

Elle essaie d'effleurer ses pensées, de comprendre pourquoi il attire autant de choses qui ne devraient pas exister...

[Une décision ?]

[on mange et on observe ?]