Scenario VII : Le Chapitre inachevé [Cassandre/Evelynn/Gwen]

- Je ne comprends pas bien de quoi vous souhaitez me parler ...

Cassandre, dont la courtoisie empêchait de laisser paraître ses émotions, se demandait maintenant qu'est-ce qu'elle pouvait bien avoir fait au Seigneur pour attirer les "paumés du tout Paris". D'abord ce vieillard aveugle à la boutique, un musicien possédé, sans parler de tous les clients récents qui s'imaginaient posséder des pouvoirs sur-naturels...
Parmi tout ces gens cependant, cette jeune femme lui rappelait qu'elle avait aussi rencontré deux personnes qui étaient devenues des amies chères, Solange et surtout Gwendaël. Cela valait la peine de pousser la discussion un peu plus loin.

- Après tout, je ne suis pas si pressée et j'aime les mystères. Si vous y tenez, nous pouvons nous asseoir un instant dans cette brasserie, cela nous réchauffera un peu.

Prenant les choses en main, Cassandre pénétra dans le hall avec assurance et les deux femmes s'assirent directement à une table en retrait. Elle ne voulait pas que la tenue négligée de sa camarade fasse hésiter le personnel de l'établissement.

- Portez-nous deux tasses de thés et des viénoiseries s'il vous plaît, lança-t-elle au serveur en livrée en lui tendant un billet.

Elle sourit à Evelyn comme pour combler le silence pendant qu'on leur déposait leur commande.

- Buvez tant que cela est chaud. Ensuite, vous me raconterez pourquoi vous souhaitez me parler, puisqu'il semble évident que nous ne nous connaissons pas réellement, je me trompe?

Alors qu'elles se dirigeaient toute deux vers une brasserie, Evelynn eut la mystérieuse impression que la femme qui se tenait devant elle avait aussi des.. pouvoirs surnaturels et qu'elle pourrait l'aider. Les viennoises et sa tasse de thé furent devant elle, la jeune femme se rendit compte à qu'elle point elle avait faim. Elle avait seulement mangé tôt dans la matinée, repas gracieusement laissé par le vieillard aveugle. Elle sirotta un peu le thé chaud avant de prendre la parole.

- Non, vous ne vous tromper pas, sauf si cela compte si je vous ai vu en rêve...

Elle prit une légère pose. Elle bu un peu de thé encore une fois avant d'expliquer son rêve.

- Vous vous promeniez inscousiante dans la rue avec, ce livre, dit-elle en montrant le livre des yeux. Et un gouffre noir s'approcha de vous pour vous engloutir vivante... Et ce n'était pas la première fois que je faisais ce genre de rêve. Même que des fois je les fais alors que je ne dois pas. Selon un vieil aveugle, je possède un don, et Ils ont besoin de moi pour aider ceux qu'Ils me montrent en rêve...

Elle ne pu soutenir plus longtemps le regard de la femme au livre, et prit une viennoise pour la manger à petite bouchée, espérant ainsi faire passé son anxiété.

Un long silence s'imposa entre les deux jeunes femmes. Cassandre cherchait le regard de la demoiselle face à elle, comme pour avoir confirmation de ce qu'elle venait d'entendre. Evelynn évitait de la regarder, mais sa gêne montrait bien à Cassandre qu'elle était sincère et qu'elle n'aurait pas lancé cette discussion si cela n'avait pas été indispensable. Cassandre aurait pu se figer dans l'incompréhension et la stupeur face à la jeune femme. Elle ne savait pour quelle étrange raison cependant, elle n'était pas totalement surprise...

- Vous m'avez vu en rêve, répéta Cassandre. Aspireé par le néant, cela n'est semble-t-il pas un bon présage... Elle esquissa péniblement un sourire pour alléger l'atmosphère, mais celui-ci se termina en grimace puis disparut pour laisser place à une profonde angoisse.

- Je vous crois. Ces derniers temps, beaucoup de choses se produisent, qui m'auraient semblées il y a peu issues de contes pour faire peur aux enfants.
Mais qui sont ces Ils qui semblent vouloir aider ? Pour le moment, dans toutes ces choses nouvelles, je n'ai pas rencontré d'alliés mais plutôt des ... phénomènes dangereux.
Cassandre sentit un frisson la parcourir à l'évocation du souvenir de l'Orgue et de la disparition du Musicien aujourd'hui même.

Evelynn ne pouvait suporter le regardde Cassandre. Elle devait la prendre pour une folle après ce qu'elle venait de dire! Pire, elle allai l'envoyer à l'asile, là ou ceux comme elle vont! Elle dut se faire violence pour que ses larmes ne se remettent pas à couler. Elle savait que la femme au livre tentait de la regarder dans les yeux, mais elle ne pouvait juste pas... Quelle idée sotte qu'elle avait eu de tout dire! Ce fut Cassandre qui reprit la parole, trouvant sa vision de mauvais augure. Evelynn ne put qu'acquiescé. Puis, Cassandre lui dit qu'elle aussi avait vécu des choses, anormale, et qu'elle la croyait! Le sourire qu'elle avait plus tôt dans la journée réapparu sur ses lèvres. Elle releva la tête et regarda la seule personne à part le vieillard de la ruelle qui savait pour son lourd secret. Cassandre lui posa une question Qui la fit trembler de peur.

- En fait, j'ignore qui sont ces Ils, murmura-t-elle autant pour elle-même que pour Cassandre. C'est un vieillard aveugle qui m'en à parler. Un frisson de peur la secoua en entier encore une fois. Le pauvre s'est arraché les deux yeux pour ne plus les voir...

C'était déjà dur d'avoir des ennemis connu, alors comment allait-elle faire pour dompter ces Ils, des ennemis totalement inconnu?

- Un vieillard aveugle...bien sûr...oiseau de mauvais augure...Cassandre tressaillit.

Elle attrapa machinalement son pendentif, et serra fort les deux croix dans sa main.

- Le présage est funeste...et bien nul doute alors que je m'expose à de graves ennuis en m'intéressant à ces pauvres artistes, disparus corps et âmes...il y a bien derrière tout cela les traîtrises de l'Acheron comme je le craignais malheureusement...

Cassandre sortit la lettre trouvée dans la redingote d'Etienne, résolue désormais à l'ouvrir. Elle avait pris sa décision. Les maléfices de l'Achéron étaient de retour, et elle s'était jurée de tout faire pour empêcher que de nouvelles tragédies comme celle du Cléonthe ne se reproduisent. Le moment était donc venu. Il y avait peut être encore la possibilité de sauver Katz et Truzman, mais il fallait faire vite.

- Ce sont des choses bien dangereuses dont il s'agit, ma pauvre fille...Vous ne devriez pas vous mêler de cela...je le dis pour votre bien, ne risquez pas de perdre votre santé mentale à trop chercher à comprendre l'indicible...Vous devriez vous lever maintenant, et partir, rentrer gentiment chez vous et oublier tout cela. Si vous restez en ma compagnie, Dieu seul sait ce qui pourrait vous arriver.

Cassandre regarda d'un air résolue la jeune femme, puis déposa la lettre sur la table.

A l'attention de Rimbert Katz.

Elle ouvrit séchement la missive.

- Que décidez-vous?

En fil rouge de la discussion, Cassandre examine avec détail le contenu de la lettre, puis le crucifix en argent et les partitions roulées en boule rangées dans la redingote

Avait-elle vraiment le choix? Si elle refusait de rester avec Cassandre, où irait-elle? Nul part, bien entendu. Elle n'avait ni famille, ni maison, absolument rien. La décision fut donc assez simple pour la jeune femme.

- Je reste avec vous. De toute façon, mieux faut une vie d'aventure qu'un vie de mendiante. Je ne manquerais sûrement à personne de toute façon, et j'ai la vague impression que mon destin était de vous trouver.

Elle sourit. Elle avait enfin trouver sa voie. Sauvez le monde d'Achéron.

- Mais j'aurais une dernière question. Qu'est-ce que c'est Achéron?

-Qu'est-ce que l'Achéron? C'est une question compliquée à laquelle je ne suis pas sûre de savoir répondre.

Cassandre cherchait ses mots tout en observant, inquiète, la lettre sous ses yeux.

- Disons que c'est comme un purgatoire qui se superposerait au monde réel et dans lequel on est englouti en certaines occasions. C'est un monde peuplé de morts ou de cauchemards, je ne sais pas bien. C'est dangereux et on n'en revient pas indemne... lorsque l'on on en revient.
D'après ce que je sais, certaines personnes s'intéressent à ce monde pour en retirer un pouvoir mystique ou des connaissances magiques. Certains ont des talents qui leur permettent de voir ce monde, de l'entendre ou d'y entrer.
Je sais simplement que les créatures de ce monde nous veulent du mal et que tout ceux qui en ont connaissance et qui n'ont pas sombré dans la folie doivent s'entraider pour le combattre. Des créatures de ce monde arrivent à pénétrer le notre, vous comprenez ? Ils cherchent à venir nous détruire.

Cassandre planta son regard dans celui d'Evelynn, un frisson la parcourait, elle réalisait qu'elle venait d'échapper de justesse à l'Achéron, une fois de plus, ce qui avait fait disparaître de ses traits toute forme d'insousciance. En même temps qu'elle se sentait emplie d'une immense angoisse, elle se rendit compte qu'Evelynn, elle, était trempée de sueurs froides et que son corps tremblait, pris de spasmes.

- Vous tremblez ? Je ne voulais pas vous faire peur ! Buvez un peu d'eau et reposons-nous quelques minutes.
Cassandre, contourna la table et déposa délicatement son manteau sur les épaules de la jeune femme. Elle l'installa confortablement sur la banquette, à l'abri des regards indiscrets.

- Une personne vient justement de disparaître « de l'autre côté », en laissant derrière elle ces documents. Je dois les examiner pour en savoir plus. Ensuite, si vous le désirez, vous m'accompagnerez dans mes recherches, je ne suis pas contre un peu de soutien, affirma Cassandre la voix encore chevrotante.

Laissant la jeune femme se reposer, Cassandre se plongea dans l'étude des documents en sa possession, le temps de retrouver elle aussi son calme...

Citation :

Mon vieil ami,
je ne sais pas si l'on raconte chez vous les mêmes choses sur les artistes que chez nous, les chrétiens, mais plus j'approche de ce don nous avions parlé, plus il me semble que c'est une chose fondée...
Tu te rappelles lorsque tu disais que ton père t'avais mis en garde sur le fait que selon vos écritures, l'Homme contient à la fois Dieu et à la fois le Diable en lui? Et bien je crois qu'il a raison.
Au départ, je pensais que notre don venait de Dieu en personne et plus j'avance dans mes recherches plus je découvre l'horrible vérité.
Je ne peux plus m'empêcher de composer...je compose sans le vouloir...Je suis envahi par les compositions et il faut que je les plaques contre ces touches d'ivoire qui me rendront immédiatement ces horreurs que je porte en moi...La musique me hante, elle joue dans ma tête des airs géniaux et maudits à la fois...La musique concrétise mes cauchemars et mes craintes, mais une fois jouée, je les oublie dans la seconde...

Dis à ton père que nous sommes en danger, que la porte vers Dieu n'est qu'une fragile barrière qui nous conduira tous en enfer...Dis lui que j'ai besoin de le voir urgemment....

Ton ami qui te supplie....

Dis comme venait de le dire Cassandre, la mission qu'Evelynn venait d'accepter lui donnait la chair de poule. Mais avait-elle d'autre choix? Pas vraiment, alors elle allait rester avec Cassandre. C'est pourquoi elle lui donna sa confirmation dèsw qu'elle eu terminée sa lecture.

- Je vais rester avec vous. Le choix me semble évident. Si de telle force sévise dans notre monde, et bien je veux être de ceux qui le combattent. Pourrais-je faire quelque chose pour vous aider avec cet artiste?

- Vos rèves sont peut-être prémonitoires...qui sait? Cela pourrait être utile finalement. Mais vous devez vous douter que cela est dangereux.

Cassandre replongea dans ses pensées, mais la fatigue lui en faisait perdre rapidement le fil. Que pouvaient-elles faire d'autres que de prévenir les artistes maudits? Il fallait qu'elle puisse en interroger un, pour savoir d'où leur était venue cette 'inspiration' maléfique et dévorante....Cela était plus urgent que d'aller fouiller chez Etienne en définitive....

- Si vous vous sentez mieux, nous allons partir. Il faut trouver ce Katz Rimberg. Son père et lui même sont certainement en danger. Je vous expliquerai ça en route.

Cassandre déposa quelques sous pour leur collation, puis se leva derechef pour héler précipitemment un fiacre qui attendait à l'extérieur.

- Place du tertre à Montmartre s'il vous plait, cocher.

Une fois les deux jeunes femmes confortablement installées à l'intérieur Cassandre entreprit d'expliquer la situation à sa nouvelle compagne d'aventures.

- Par où commencer... Une amie est venue me trouver suite au suicide, semble-t-il volontaire mais bien incompréhensible, d'un de ses amis artistes. En investigant sur cet écrivain, il se trouve que j'ai croisé le destin d'autres artistes de ses connaissances qui semblent eux aussi très prolifiques dans leur art, et très perturbés il faut bien l'avouer. Comme si leurs créations les rongeaient de l'intérieur....Etienne Culbert, l'organiste de l'église Saint Eustache, vient de disparaître sous mes yeux alors qu'il jouait, il y a à peine une heure. Je me suis enfuie de justesse...c'était ...horrible....

Cassandre marqua une pause, captant intensément le regard d'Evelynn, pour s'assurer d'être prise au sérieux.

- J'ai trouvé ce crucifix d'argent et cette lettre dans son manteau.
Elle tendit le pendentif et le feuillet à Evelynn afin qu'elle en prenne connaissance par elle-même. Par la fenêtre, un paysage sombre défilait à vie allure. Cassandre aurait souhaité prendre un peu de repos. Elle se demandait comment elles seraient reçues chez ce Monsieur Katz.

- Vous pouvez garder le crucifix, il vous aidera peut être, et là où il se trouve désormais Etienne n'en a plus besoin malheureusement...et puis il est en argent, et vous ne roulez pas sur l'or à ce que je vois....

- Montmartre ma p'tite dame ? J'vous pose au pied...J'pourrais point l'atteindre en fiacre...Pas bien prudent pour deux jeunes filles de s'rendre là-bas toutes seules...

Montmartre, qui n'appartenait pas tout à fait à la ville de Paris à l'époque, avait en effet la sinistre réputation d'attirer tous les gredins de France et de Navarre...Quartiers des artistes, des bastringues et des filles de joie, la butte draînait une population bigarrées et exotique, qui effrayait souvent le parisien moyen.
Lorsqu'Evelynn mit la main sur le crucifix, sa sensibilité se remit en marche : quelqu'un avait serré très fort cet objet et on y sentait l'énergie d'un terrible désespoir, d'un foi aveugle et suppliante à l'égard d'un sauveur divin...

L'homme a qui avait appartenu l'objet était en proie à une peur qu'Evelynn avait déjà expérimentée, une peur qui dépassait l'entendement humain...

- Merci du conseil, tenez voilà dix sous pour la course.

Cassandre descendit du fiacre et posa ses escarpins vernis entre deux flaques d'eau boueuse. La perspective de devoir gravir la butte par des ruelles malfamées ne l'enchantait guère, mais elle avait suffsament d'aplomb pour ne rien laisser transparaître de ses inquiétudes.

- Venez, suivez moi, nous allons prendre par là, fit Cassandre à Evelynn en désignant du menton de petits escaliers qui faisaient face à un établissement douteux à la devanture crasseuse.
- Dites moi, ma chère, vous ne m'avez pas dit, mais de quel quartier êtes vous? Vous ne connaitriez pas un peu le coin par ici par hasard...

Cassandre entama la montée d'un pas décidé.

Montmartre ne faisait pas mentir sa réputation : en gravissant les escaliers mal éclairés qui longeaient les vignes tordues, il était possible de voir le spectre de toute une population bariolée et haute en couleur.
Ouvriers étrangers, remontant vers leurs modestes habitats dans les hauteurs, bandes d'artistes rieurs, devisant peinture et poésie, mais également ruffian à l'air peu commodes, semblant porter le crime sur leur visage.

Une fois la butte vaincue, le son de l'accordéon guidait le visiteur vers un village étrange où les ateliers bardés de plaque de fer rouillée jouxtaient les taudis crasseux et les guinguettes animés. Le flamboyant côtoyait le sordide, l'artiste le bandit dans un mélange hétéroclite et bouillonnant.

Citation :

A la bouche du Diable

annonçait un panneau qui surplombait une porte sculpté en un visage grimaçant, conduisant vraisemblablement vers un cabaret à la mode

Au centre de la place du Tertre, illuminée par des petits lampions suspendus nuit et jour, les deux jeunes femmes assistèrent, un peu perdus à une débauche de vie grouillante qui les engloutissaient progressivement...

- Un petit portrait, mademoiselle ? fit un jeune poulpot, le sourire au lèvre...

- Couteaux, couteaux à aiguiser ! hurlait un vieux rémouleur près de sa meule...

- Alors ma grande ? On s'est perdue ou on cherche l'aventure ? fit des filles des rues à l'égard de Cassandre...Une appétissante odeur de grillades envahit les narines des deux jeunes femmes, alors que l'étal des bouchers commençait à peine à se monter...Montmartre, c'était le grand tout aux mille aspects, des places exubérante aux ruelles sordides...

Cassandre, consciente d'avoir les atours d'une lady, dans cet environnement où l'envie était presque palpable, avait rajusté sa capeline le plus serré possible pour masquer robe et chapeau, avant de vérifier que son arme de poing était accessible dans son sac.
- Ce que nous craignons, nous, n'est pas vraiment plus présent ici qu'ailleurs dans Paris. Faisons comme si c'était un quartier comme les autres, dit-elle plus pour elle-même.

L'instant d'après, elles étaient parvenues sur la Place : la musique, mélancolique et chaleureuse à la fois, les odeurs, les couleurs étaient ennivrantes. Un sourire de plaisir se dessina sur le visage de la jeune libraire.

- Ainsi voilà le fameux Montmartre des artistes ! Cela fait bien longtemps que je rêve de venir ici, mais mon oncle me l'a toujours interdit. On doit vraiment se sentir vivant ici, fit-elle en tournant sur elle-même pour bien tout voir, gagnée par l'excitation.

- Par où commençons-nous?

Les portes s'entrouvrirent sur un cabaret aux couleurs rouges criardes où s'entremêlaient décorations orientales, rideaux de soie et candélabres aux formes étranges...
Un petit homme en redingote et haut de forme, arborant une chemise à long col et une étrange paire de lunettes rondes à verre fumée s'approcha des deux jeunes femmes en s'appyant sur sa canne et soulevant son chapeau...

- Deux anges tombés en enfer...Que pourrais je faire pour retarder le plus longtemps possible leur départ ?
Leur accorder un verre ? Une danse ? Ou juger de leur talent sur la scène ?

Derrière lui, dans un salle obscure, les hommes se pressaient autour d'une scène étrangement éclairés où quatre jeunes femmes en tenues que la morale de l'époque réprouvait sans doute, dansaient lascivement au son d'une musique atypique, exécutée au violon...

Evelynn suivi Cassandre docilement, peu pressée de sortir de la calèche après les avertissements du chauffeur. La marche ne l'enchantait guère, mais l'air frais du soir lui fit un bien fou.

- A vrai dire, j'ignore absolument tout de mon passé...

Puis elle replongea dans ses pensées. La montée terminée, la quartier apparu dans toute sa splendeur. On devait trouver de tout ici. Peinture, musique, nourriture... Elle qui avait beaucoup vu le reste de Paris, cet endroit lui sembla merveilleux, du moins tant que l'on ne trainait pas trop la nuit tomber. L'excitation de Cassandre face à l'endroit la rejoignait aussi. Tout était si vivant ici! Mais Cassandre et elle avaient une mission. Sauvez Katz. Connaissant que trop peu le quartier, elle répondit d'un haussement d'épaule fort parlant à la question posée par sa nouvelle amie. Celle-ci opta pour un bâtiment nommé "À la bouche du diable". Le nom ne lui disait absolument rien. Elle suivi Cassandre dans l'établissement. Entrée à l'intérieur, elle figea. Elle connaissait cet endroit. Pas qu'elle y avait déjà mis les pieds. Non. Elle y était venue différemment. Elle y était venue dans un de ses étranges rêves que lui envoyait l'Achéron. C'était la dernière chose qu'elle se rappelait en fait. Elle, ou une autre, était proche de scène, en train de nettoyer. La soirée avait été bonne. On lui avait adressé la parole. Cinq jeunes hommes. Ils devaient en vouloir encore, c'était-elle dit. Mais ils avaient commencé à la battre. L'autre était morte, et elle, elle avait failli y laisser la peau. Elle devait être livide, c'était évident. Elle espérait seulement que l'homme qui leur parlait ne l'avait pas remarqué, ou qu'il croyait qu'elle réagissait ainsi vu aux maigres vêtements que portaient les filles sur scène...

Voyant l'approche maladroite du tenancier des lieux, Cassandre décida de couper court à toute ambiguité.
- Servez-nous deux verres de vin, ce sera parfait, Monsieur.

Cassandre commanda en prenant place à la table la plus proche de l'entrée du cabaret. Elle prit soin de ne pas s'approcher de la piste de « danse » et des hommes échauffés par l'alcool et autres excitants, puis reprit.

- Je suppose que vous connaissez bien le quartier? Nous sommes à la recherche d'une personne, un certain Katz, c'est un artiste qui fréquente votre établissement. Est-ce que cela vous dit quelque chose? La jeune libraire s'assura qu'il remarque la pièce de monnaie qu'elle sortait de son sac à main.

Jetant un oeil vers Evelyn, Cassandre remarqua qu'elle semblait particulièrement pâle et mal à l'aise. Elle l'interrogea du regard pour mieux comprendre.

- Deux verres pour les demoiselles, Mademoiselle Eglantine, c'est entendu ?

Une jeune fille d'une vingtaine d'année à peine jeta un coup d'oeil craintif à son employeur et croisa le regard absent d'Evelynn. Cette dernière pu ressentir énormément de violence en ce lieu et de la peur...Sa tête accueillit l'espace d'un instant les vagissement d'un nouveau-né alors que la serveuse s'éloignait mais le bruit s'étouffa immédiatement dans l'esprit de la jeune femme.

Les verres fumée du tenancier lancèrent un instant d'étranges éclairs en direction de Cassandre alors qu'il les invitait à s'assoir à une petite table ronde, éclairée par une simple bougie rouge.
Un sourire carnassier s'ouvrit entre les lèvres du curieux personnage

- Possible. Possible...Que voulez vous à ce pauvre Monsieur Katz. La juiverie a suffisamment de soucis en ces jours troubles pour que vous veniez y rajouter votre grain de sel...

Cassandre avait remarqué le malaise de la jeune femme, évidement. Elle lui sourit d'un sourire qu'elle espérait rassurant. Mais son pauvre esprit troublé n'avait pas vraiment de repos ici. La serveuse était maltraitée ici, et elle avait un bébé. Elle sentait encore la douleur, la peur. Evelynn s'enfonça les ongles dans les paumes, de peur de frapper en plein visage le tenancier. Surement la rage, mais elle croyait avoir vu dans ses yeux des éclairs lorsque son amie lui a parlé de Katz. Même si c'est peut-être que le fruit d'un jeu de lumière, elle sentait quelque chose de pas catholique chez cet homme. Elle voulait frapper cet homme pour toute la violence qu'il avait fait à ces pauvres femmes, mais aussi sortir d'ici au plus vite et aller voir la serveuse, celle avec l'enfant. Malgré tout, elle se contenta de rester assise, tentant avec peu de réussite de calmer les battements de son cœur. Cet endroit la rendait malade. Elle pria pour que l'entretient de Cassandre et le tenancier soit brève pour quitter, comme le nom le disait si bien, la bouche du diable...

- Une de ses connaissances, qui connait actuellement quelques...difficultés et à qui j'ai promis mon aide, souhaitait que je remette à Mr Katz une lettre de la plus haute importance en main propre. L'homme en question, un peu fantasque je dois bien le dire, un musicien du nom de Etienne Culbert, ne m'a par contre pas précisé d'adresse avant de...partir.

Cassandre cachait difficilement son malaise à échafauder ainsi des mensonges. Evelynn quant à elle n'essayait même plus de le masquer, tant elle était pâle et semblait prête à défaillir.

- Voilà, je sais que Mr Katz loge quelque part près de la butte, j'ai un peu d'argent, mais pas vraiment le temps, ni l'envie d'ailleurs rajouta Cassandre en jetant un regard méfiant dans la salle alentour, pour m'éterniser par ici. Bon, apparemment vous ne pouvez pas nous aider, ce n'est pas grave, nous demanderons ailleurs.

Cassandre soupira, se leva de sa chaise et ramassa ses affaires.

Le sourire du curieux personnage s'agrandit en voyant le malaise d'Evelynn et sa main attrapa le poignet de la jeune femme au moment où elle commençait à se lever...

- Une minute, mes belles amies...On ne s'est même pas parlé...Il se trouve que ledit Katz me doit un peu d'argent...Une centaine de francs, une babiole... Il suffirez que vous épongiez sa dette et je n'aurais pas besoin de lui rendre une visite qu'il n'apprécierait pas...Vous me suivez ?
Nous tenons un accord ?

Cassandre foudroya le rustre du regard.

- Bah les pattes! Pour qui donc vous prenez-vous?

Cassandre tenta de se libérer de la prise ferme du répugnant tenancier.

- 100 Francs! Quelle folie! Quand j'espérais de votre part un peu d'aide et de compassion que j'aurai pu modestement recompenser. Nous trouverons bien un autre bonhomme moins goujat que vous pour nous renseigner! Allez donc gérer vous même vos sordides affaires, et maintenant je vous demande de me lâcher sur le champ!

Cassandre essayait de garder son aplomb malgré la panique qui commençait à la gagner. Elle était sur le point de gifler le ruffiant.

Cassandre essaye de se libérer d'un coup de sec de l'avant bras vers le bas