Scenario IX: L'oeil du chat [Oj, Damien, Lexie]

La démarche déterminée, le groupe poussa jusque dans ses retranchements l'arrivée imminente de la fatigue pour tomber sur une petite plaine dégagée et les lumières d'une fermettes.
Une grange, dont la porte avait été endommagée, laissait entendre le bêlement de brebis apeurées...
Une silhouette, menaçant probablement les voyageurs avec une arme, se découpa dans l'ombre de la ferme et héla les intrus d'une voix qui hésitait entre l'intimidation et la peur

- Qui êtes vous ? Bougez pas où j'tire !

Zack réalisa qu'il avait eu raison, quelque minutes plus tôt de bien rengainer son arme pour éviter les réactions irréfléchies. S'il avait eut son colt au poing à ce moment précis, il y aurait probablement eut un ou deux corps en plus au décompte morbide de cette drôle de nuit dans les campagnes françaises.

- Tout doux l'ami... C'est vous qui avez tiré?

Tout en essayant de calmer l'individu, l'américain tente de se déplacer légèrement l'air non menaçant, cherchant à observer l'arme du fermier. Il cherche à savoir de quel genre d'arme il s'agit. A poudre? A cartouche? Un ou deux canons? Ces information lui servirait si malheureusement il lui fallait engager le combat.

-Qui êtes-vous? Bougez pas ou j'tire!

*Eh bien, comme comité d'accueil, ça promet.*

-Tout doux l'ami... C'est vous qui avez tiré?

*L'ami? Quoi encore... *

Lexie se contenta de rester immobile, l'ourlet de sa robe voletant en tourbillonnant autour de ses chevilles.

- Bêêêêêêêêêê!!!!

*Saletés de moutons... Ça te gâche l'atmosphère!* Lexie laissa échapper un petit sourire qui avait l'air déplacé en ces circonstances plutôt critiques.

Espérant que personne n'ait remarqué que le coin de ses lèvres se fut étiré légèrement, elle tenta de faire disparaître son sourire, dont l'ombre flottait encore sur sa bouche. Elle se contenta de garder le silence: après tout, l'Américain avait l'air de s'y connaître.

S'il peut faire le sale boulot de diplomatie, c'est pas moi qui vais m'y opposer...

La pluie permit à l'américain d'apercevoir un antique fusil à poudre noire, tenu d'une main tremblante par le fermier

- Sûr que c'est moi qu'ai tiré, et j'hésiterais pas à recommencer...C'est encore c'te saloperie de bête...

Passé la stupeur, le ton s'était considérablement adouci et l'homme reprenait confiance, même cramponné à son fusil...

Le vieil homme semblait quelque peu se calmer et c'était tant mieux, le timbre de sa voix et son langage corporel en témoignaient. Gardant toujours les mains à l'écart de son propre corps dénudé au dessus de la taille, il s'approche lentement du fermier dans une attitude dépourvue d'agression.

- Vous l'avez touché?Par où est elle partie?

Le visage du fermier se décomposa lorsque l'américain lui demanda s'il l'avait touché...

- Touchée ? Touchée ? On n'touche pas c'te bête là, mon bon monsieur...On n'peut pas...Parce que c'est l'Diab...Voilà pourquoi...Le Diab' j'vous dis...
Elle part comme elle arrive, de nulle part et c'est elle qui décime notre foutu bétail...Tous les jours, on se demande qui est ce qui va perdre ses animaux, la nuit tombée...On n'dort pus, on n'vit pus...

Peu rassuré par ses propres mots, il abaissa le fusil et invita les voyageurs d'un signe de tête

- Restez pas sous la pluie...Z'allez attraper la mort...Viendez donc à la ferme...La mère doit être réveillée de toute manière. Pis, y r'viendra pas c'soir..

En voyant le le fermier abaisser son arme, Lexie s'avança à la hauteur de l'Américain.

*Enfin, une présence qui n'est pas hostile dans cette forêt de malheur!* grommela Lexie intérieurement.

C'est avec reconnaissance qu'elle approcha à grands pas de la maison du fermier. Selon ses dires, le monstre ne reviendrait pas cette nuit: ça, ça c'était la meilleure nouvelle que quelqu'un aurait pu lui donner aujourd'hui. Revêtant un air piteux et transi de froid -quoique pour ce dernier point ses talents de comédienne ne furent pas tant sollicités- elle sourit avec reconnaissance et béatitude, même, à l'adresse du fermier.

- Monsieur, vous nous sauvez la vie[i], dit Lexie une fois face à son interlocuteur, qu'aurions-nous fait sans vous?!

*Pfff, que'est-ce que je devrai encore déblatérer pour sortir d'ici?*

Zack haussa un sourcil en voyant et entendant Lexie remonter à sa hauteur et commencer à caresser verbalement le vieillard qui les avait tenu en respect avec son arme antique quelques secondes plus tôt.

Elle semblait pourtant oublier ce qui lui semblait à lui essentiel en tant qu''homme aussi honnête que possible.

- Il y a pire que des bêtes mortes dévorées ce soir. Il y a deux corps à l'église. ..

S'approchant encore du vieil homme pour le regarder dans les yeux l'air concerné.

- Je crois qu'il faudrait dors et déja prévenir le shérrif...

Les yeux du vieillard s'écarquillèrent de surprise

- Eul curé ? Il est arrivé une chose au curé ? Jésus-Marie...Cette fois c'est bien certain...C'est le Diab'...Ce sont ces fichus romanichels...
Et j'sais pas donc quoi d'vous parler avec vot' chairif...

Le vieillard ouvrit la porte de sa ferme et renvoya d'un geste de main vif une vieille femme qui descendait l'escalier engoncée dans une robe de nuit...

- Remonte donc, la mère...C'est des gens qu'on vu la Bête...Y vont dormir la ce soir...Va t'coucher, j'te dirais d'main..

La salle principale ne contenait que le strict minimum : un poêle à bois, une grande table, quatre chaise et une armoire composaient le seul mobilier de la ferme.

- curiós com un vaishèth fit le vieillard en patois, secouant la tête et posant son fusil contre l'armoire dont il sortit une bouteille d'eau de vie... J'vous sers une rincette et je vous relance le poele pour que vous dormiez bien...Ouvrez pas la fenêtre ou la porte...Elle rôde toujours...C'est pas un coup d'fusil qui lui fera peur...

Il fallut que Lexie se compose un masque de sourire figé pour ne pas faire les gros yeux à l'Américain:

*Ben oui, et quoi encore? Vas-y, c'est ça, révèle tout au vieux fermier, des plans pour qu'il croit que que c'est toi qui l'a tué, pauvre crétin!* rumina-t-elle.

La réponse positive du fermier lui cloua le bec:

*Coup de chance, c'était un coup de chance, y'a pas à dire.*

Elle croisa les bras sur sa poitrine: elle boudait avec un masque de sourire figé, alors qu'ils entraient chez l'homme.

Alors que le fermier s'affairait autour du poêle à bois, Lexie regardait un peu partout: rien de très alléchant pour la pickpocket, sauf peut-être pour l'armoire, dont les battants étaient fermés.

Cela suffit à piquer sa curiosité. Elle allait attendre que tout le monde se soit rendormi, et allait y faire une petite visite rapido presto. De toute façon, elle savait que le sommeil ne la visiterait pas de nouveau cette nuit. Que sont une porte et une fenêtre comparés aux "pouvoirs maléfiques du Diable tueur de chevaux qui n'a pas peur des gros méchants fusils?" Lexie se murait de sarcasme, mais elle n'appréciait pas particulièrement la situation dans laquelle elle était fourrée.

Zack n'en croyait pas ses oreilles ni ses yeux. la France était vraiment un autre monde. Une bête terrorisait la région et dévorait chaque soir des bêtes à des fermiers tous sauf roulant sur l'or et les gens n'en avaient rien à secouer, ils subissaient.

D'où ils venait, les gens même désarmés auraient déjà lancé des battues. Des battues disproportionnées certes mais ayant le mérite d'être efficaces. Ce soir il y avait même double mort d'homme et les gens allaient aller se recoucher tranquillement et attendre le lendemain.

Sitot, le fermier couché, il retournerait à ,l'église récupérer ses vetements et sa valise. Il était déja suspect de meurtre à Paris et c'était bien suffisant ainsi. Attendant donc, l'américain attendait au chaud près du poele que le silence revienne sur la ferme.

La nuit se passa...
Sans trop de sommeil pour les deux individus invités chez le fermier, sursauta au moindre volet qui claque ou écoutant avec trop d'attention le bois qui travaillait...
Le vieux paysan descendit de l'étage, salua ses invités et commença, dès 5h du matin, à bourrer sa pipe...

- J'suppose qu'y va falloir descendre au village...Dès mois qu'on d'mande un gendarme à la ville...Pas un qui veuille descendre...Trop occupés qu'ils disent...
La guerre avec les boches qu'y s'couve...Faut protéger les frontières...J't'en foutrais moi des frontières...Croyez qu'ils auraient envoyer les louvetiers ? Rien...Bon guieu...Pauvre père Castelli...Il en aura eu du tracas...

Sa vieille épouse descendit à son tour, emmitouflée dans un châle de laine hideux

- Eul père Castelli il est mort ?

- J'te l'ai déjà dit hier....

- L'avait repris la boisson, hein ?

- Qu'est c'que j'en sais moi...En tout cas, y'aura pas de messe...On s'ra obligés d'aller à Cavaillac...

- Moi j'dis, c'est depuis que le parisien est arrivé...

- Mais qu'est ce que t'y connais donc... termina le vieil homme en bougonnant...

- Oui...Poilin...Pilain ?

- PAU-lin...Paulin...Il s'appelle corrigea la femme qui semblait en savoir plus sur les rumeurs du village que son mari Guillaume Paulin...Un élégant, qu'a racheté la fermette des Lambrin...

- Une foutue terre stérile... grommela le vieux qui semblait ne pas comprendre comment on pouvait gâcher une telle somme à racheter une bâtisse sans avenir agricole...

- Mais prenez donc un verre ma petite demoiselle...Faut manger aussi le matin...Z'êtes maigre comme une écharde ! [i] continua chaleureusement la vieille, croyant repérer dans l'élégante Lexie une complice de potin...

Lexie ne refusa pas les victuailles, mais laissa de côté le breuvage. Il lui avait assez plu sur la tête que, si elle était une plante, elle en aurait été noyée.
Entrant dans le jeu de la femme, elle répondit:

-Paulin? Ça me dit vaguement quelque chose. Mais j'avais entendu dire qu'un autre parisien avait emménagé... Peut-être me trompe-je.
- Quel était son nom, déjà...? Un homme influent, de belle allure...

Elle pensait à Vendrin. Après tout, elle n'avait pas sauté à bord de ce foutu train pour se faire capturer par un allumé du bistouri, mais bien pour récupérer l'argent qui lui revenait. Grivert, Vendrin, chien, porc, tout ça était des synonymes. Peut-être la vieille dame avait-elle des informations -à défaut d'avoir quelques jolies pièces d'argenterie, mais peut-être étaient-elles cachées dans l'armoire...

- Vernon? Vengris? Maxime, je crois, Maxime Vengris. Non ce n'était pas Vengris, c'était, euh... Oh, c'est bête comme son nom m'échappe. Ça doit être toute cette agitation... Et cette bête horrible!

En son fort intérieur, Lexie roula des yeux: elle détestait jouer les nunuches.

/hrp: sorry pour délais, manoeuvres /

Etant resté relativement silencieux tandis que le femeir, sa femme et Lexie conversaient, Zack, déja habillé, avait préféré attendre la présence du maitre des lieux pour attacher le holster garni du colt SAA dont il avait remplacé une des balles tirées par une balle neuve. Il valait mieux que l'homme soit au courant qu'il était armé plutot qu'il ne le découvre de lui même.

Lexie était maintenant plongée en pleine conversation avec la fermière et Fields préféra donc se tourner vers son mari.

- Où allons nous nous rendre pour déclarer l'incident? Vous disposez de montures?

- Dans le coin ? Un autre parisien...Ca ne me dit pas plus que ça...Vous savez en même temps, mis à part ce qu'il y autour de l'endroit, hein, je m'y rend guère...
Non, Paulin, c'est un collectionneur, il paraît...Moi je dis, un collectionneur de bonnes femmes...Il est venu ici pour un livre..Vous m'entendez ça ? Il achète une maison pour un livre...
Un livre qu'il a acheté au vieux juif du marché, là...Qu'on voit des fois...Un boîteux...

L'homme fronça les sourcils et frémit à la vue de l'arme de Zack

- C't'un bel outil...Z'êtes sergent de ville ou militaire, hein ? Des montures, ici, on en a guère...La route est caillouteuse, ça monte, ça convient pas aux bourrins...Y'a que les manouches qu'en ont, avec leurs roulottes...Ils ont monté le camps de bûcheron dans la forêt...Pas dur à trouver...

La mère de Zack avait beau être d'origine française, elle était de Lousiane et d'un niveau social moyen-élevé. Il avait par concéquent pas mal de difficultés à comprendre le paysan au fort accent, certains mots lui étaient même incompréhensibles.

- Les manouches? Qui sont ils?

Par déduction, il devait s'agir d'une troupe de cirque mais mieux valait vérifier. Ignorant la remarque de l'homme concernant son arme, Fields enchaina directement, il voulait être certain de ne pas effrayer l'homme avec mais il n'allait pas se lancer dans un conversation à ce propos.

- Quand allons nous nous rendre à la rencontre du sher... De la milice?

L'américain ne comptait bien entendu pas vraiment s'y rendre, son aventure d'il y a deux jours lui avait appris comment les autorités françaises avaient tendance à réagir à l’inhabituel.

Lexie dû se forcer à afficher une mine neutre: ce maudit Vendrin à la noix! Paulin, c'était lui! Le collectionneur!

-Collectionner des femmes? Héhé, dites donc, c'est un vrai gentleman, dit-elle à la blague. Et vous savez où je peux le trouver? Le vieux du marché, je parle. J'adore les livres, voyez-vous, j'en ai toute une collection qui ferait rougir d'envie le meilleur amateur de lecture.

Elle en mettait un peu...

-Si un riche parisien se déplace jusqu'ici pour un seul livre, alors c'est qu'il doit y en avoir des magnifiques, qu'en dites-vous?

Elle n'attendit pas la réponse, et enchaîna sur un ton de confidente (la bonfemme avait l'air plutôt enchantée de discuter avec Lexie: la compagnie féminine ne semblait pas pulluler dans le coin )
- Et... si je peux avoir une chance de voir le Paulin, peut-être, qui sait... Est-il bel homme?

Zack

- Les manouches ? Ce sont des errants qui viennent de j'sais pas trop d'où...Ils sont ici pour le bois, les malins...On gagne pas cher avec, mais on gagne régulièrement...Si on rajoute à ça leurs combine pour voler deux trois trucs par-ci par-là, ils vivent bien...Mais ils viennent jamais nous voir...De toute façon on les recevrait, tiens...C'est pas des chrétiens...
Quant à vot' milice, vous pouvez vous assoir dessus, ça fait des mois qu'on en d'mande et rien qui va...Même m'sieur le curé était monté à la ville pour d'mander...Tintin..

Lexie

La vieille haussa les épaules

- Bel homme, bel homme..Il l'a p't'être été avant...Mais maintenant, il en reste plus grand chose du bel homme...J'préfère encore mon Jules, il a moins de manière...Il habite sur la butte de Grainetiers, là bas, à cinq six kilomètres...Z'êtes pas loin, traversez le sentier qui longe la colline et vous y êtes..
Pis ces bouquins là, c'est toujours le même qui les vends, le premier samedi du mois...Un vieux prusse boîteux...Avec un chat...Quelle sale bête d'ailleurs celui là...

- Pour sûr qu'il y est...Du moins, de la dernière fois qu'on l'a vu...Y'a trois jours...Avec sa blonde...Une gamine qu'à bien au moins vingt ans de moins...Enfin, elle, on l'a juste vue venir en fiacre...Sinon, elle parle jamais à personne...